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une école fut ouverte, dont elle devint le professeur. Une vingtaine de femmes et de jeunes filles y firent leurs études, puis retournèrent dans leurs villages respectifs pour former, à leur tour, des élèves. On compte aujourd’hui 3 000 dentellières dans la contrée. La reine d’Italie s’intéressa à cette création, prit la direction du mouvement et remit à la mode les belles dentelles dont elle acheta une quantité considérable pour son usage personnel et aussi avec l’intention d’en faire des cadeaux. Les dames de la Cour en firent autant. L’action de la souveraine s’étendit aux ambassadrices étrangères qui en achetèrent pour se rendre agréables à la souveraine et, depuis ce moment, la vente des dentelles n’a cessé d’être active et la condition des ouvrières est des plus enviables[1].

Il en fut de même en Angleterre pour la résurrection du point de Honiton. La reine Victoria prit cette dentelle tout particulièrement sous sa protection ; elle chargea sa dentellière favorite de la création d’une école professionnelle, qu’elle subventionna de sa cassette et plaça sous le patronage d’un Comité, présidé par la duchesse d’York. Cette princesse seconda la généreuse initiative dans tout le royaume et prit l’engagement de donner chaque année une commande de dentelles en guise de cotisation.

En Autriche, à la même époque, crise dentellière. Dans l’Erz et le Riesengebirge, 20 000 femmes se virent dépossédées de leur métier par des mineurs sans travail qui l’adoptèrent. On conçoit la baisse de salaire et de niveau artistique. Grâce à une action énergique de la Chambre des Communes de Prague, combinée avec celle de l’aristocratie, on parvint au relèvement de cette industrie. Un Comité de patronage fut créé, qui, à son tour, constitua trente autres comités régionaux, afin d’encourager la vente de la dentelle et de fonder des écoles d’apprentissage. De leur côté, les dames de la noblesse se groupèrent en Ligue qui, dès la première année, c’est-à-dire en 1876,

  1. Les jeunes dentellières sont, dit-on, particulièrement recherchées en mariage par les jeunes gens de Burano, car elles apportent presque toujours en dot une petite maison très convenable, acquise avec les économies sur leur salaire quotidien.
    Depuis que cette industrie a été relevée, le nombre des mariages a doublé et celui des naissances illégitimes, qui était autrefois de vingt à vingt-quatre, est réduit, en moyenne, à quatre par an. On voit par là combien le travail à domicile est moral au point de vue de la famille, de l’aisance et des mœurs.