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LE RELÈVEMENT DE L’INDUSTRIE RURALE.

formèrent de nouvelles dentellières, enfin l’impulsion redonnée à cette industrie lui ont actuellement rendu une partie de sa prospérité d’antan et contribuent à ramener le bien-être dans la contrée.

En 1800, il n’existait pas en Europe une seule ville atteignant un million d’âmes : on en compte aujourd’hui six qui dépassent ce chiffre (Paris avec 3 millions, Londres avec 5 millions). À cette date, il n’y avait en France que trois villes au-dessus de 100 000 âmes ; il en existe à présent quinze dont la population totale est de cinq millions et demi et forme à peu près un septième de la population française. L’exode rural vers les villes augmente toujours, aussi faut-il chercher à l’arrêter par tous les moyens possibles et cet exode s’aggrave encore du fait que les paysans, une fois partis de chez eux, sont aussi tôt remplacés par une légion d’étrangers à l’affût d’occupations. C’est ainsi qu’à l’heure actuelle, dans le Puy-de-Dôme seulement, 12 000 Polonais et 5 000 Suisses sont occupés aux travaux agricoles.

Quand on demande à des paysans désabusés, qui s’étiolent et deviennent phtisiques dans les villes, la cause de leur désertion, la plupart répondent que l’on est plus soutenu à la ville qu’à la campagne. « Ici, disent-ils, nous pouvons avoir les secours, tandis que là-bas personne ne s’occupe de nous. » Cette réponse contient un regret et prouve suffisamment que, rémunérés, ils y seraient volontiers restés. C’est là qu’intervient l’action vraiment moralisatrice du travail rural agricole ou industriel. Le machinisme moderne, les usines immenses ont arraché à la terre quantité de bras qui la faisaient fructifier jadis : il s’agit actuellement de rendre cette main-d’œuvre à la culture sans diminuer la production industrielle. Pour cela, il faudra forcément recourir aux industries rurales et à la distribution de la force motrice électrique à domicile.

Encourageons autant que possible, et développons le travail familial pour empêcher la femme, la mère d’aller à l’usine. « Si nous n’avons plus nos paysans et nos artisans, écrivait le docteur Hitze, il y a vingt ans déjà, si toute l’humanité est menée par la cloche de la fabrique, alors nous pourrons porter le deuil de nos pays. » C’est là que nous en sommes, hélas ! et ce n’est plus à la travailleuse moderne, à la femme de nos jours qu’on pourrait appliquer intégralement la formule latine dans laquelle