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LE RELÈVEMENT DE L’INDUSTRIE RURALE.

campagnes les plus reculées ; les ouvrières peuvent à frais commun acheter la machine à tricoter et, en se mettant en rapport avec le client, c’est-à-dire avec le marchand en gros ou les magasins, elles supprimeront l’intermédiaire ou l’entrepreneur qui représente une dépense parfaitement superflue. Les sports d’hiver, qui ont mis en vogue les vêtemens de laine, donnent un nouvel essor à cette industrie. Cependant si, dans la suite, les ouvrières veulent continuer à tricoter à la main ou à la machine les manteaux, collets, écharpes qui sont du ressort de la mode, c’est-à-dire dont la durée est éphémère, elles feront bien de s’assurer à l’avance de débouchés pour leurs produits ; si, au contraire, elles se bornent à la fabrication de la bonneterie simple et d’un usage courant, il sera inutile de l’envoyer à Paris pour être réexpédiée en province : son placement est facile dans n’importe quelle ville ou village, partout enfin où l’on porte bas, gilets, caleçons, etc.

C’est encore à une femme qu’est due l’initiative du tressage à la main des chapeaux de paille. Elle en conçut l’idée pendant les loisirs que lui laissait la garde de son bétail et il faut supposer que son entreprise ne réussit pas trop mal, puisque cette industrie féconde s’est établie dans la contrée, surtout dans la Lorraine annexée où se tresse le panama. Il se tresse, en vérité, aussi dans la Lorraine française, aux environs de Nancy ; mais comme les matières premières sont importées, il ne nous est pas possible de lutter de prix, et notre production se trouve forcément restreinte, alors qu’en cultivant quelques champs de riz nous pourrions mieux asseoir cette industrie, l’étendre et nous mettre au niveau de la concurrence étrangère. La vannerie fine offrirait aussi des ressources aux ouvrières disposées à exécuter ces petits paniers d’osier tressé de différentes couleurs, de formes variées, parfois même très tourmentées dont on ne voit plus que de rares modèles, — et encore nous viennent-ils, je crois, de l’Allemagne, — datant de plus de soixante ans et qui, remis à la mode, deviendraient d’un écoulement facile.

Dans le Nord, l’activité est considérable ; mais elle s’exerce en grande partie hors de la maison, puisque les filatures de lin et de coton occupent le plus grand nombre de femmes, depuis les fillettes de douze ans qui rouissent le lin jusqu’aux vieilles femmes qui confectionnent des sacs, la tabatière en main, pour rapporter 0 fr. 50 à la fin de la journée. La fabrique les attire,