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il s’agissait de savoir si, par ce moyen, on pourrait tenter de rattacher le paysan au sol et par là concilier deux choses qui, au premier abord, semblent inconciliables : l’agriculture el l’industrie.

Pour tenter l’expérience, on choisit une province où les produits du sol et les anciens métiers sont combinés de façon à fournir au paysan, non seulement les élémens de consommation, mais encore les matières premières de certains objets nécessaires à son bien-être, objets qu’il lui est loisible de confectionner lui-même. L’Auvergne, où existaient jadis, à l’état rudimentaire, les industries les plus diverses : travail du bois, taille de la pierre, tressage de la paille, filage et tissage de la laine, du chanvre, etc., offrait de façon frappante un exemple de l’utilisation sur place des productions de la région selon les altitudes diverses.

L’enquête, consciencieusement menée, fournit des résultats très concluans : elle démontra que, par une impulsion habilement donnée, il serait très possible de développer simultanément, l’une devenant pour ainsi dire le corollaire de l’autre, les industries agricoles et rurales. En Auvergne, on trouvait jadis, au temps où se filait dans les ménages le linge de toute une famille, des champs entiers consacrés à la culture du chanvre ; au fur et à mesure que les métiers se sont démontés, cette culture a diminué et devient de plus en plus rare ; bientôt elle disparaîtra complètement. Et il en est de même pour quantité d’autres choses. Dans toutes nos provinces de France, en cherchant bien, on pourrait retrouver ainsi des trésors inutilisés, faute de savoir les mettre en valeur, ou peut-être simplement d’en prendre la peine : l’élevage des troupeaux fournirait la laine au tisserand local, les plumes et duvets des volailles, plus intelligemment préparés, se transformeraient en panaches, en garnitures capables de satisfaire aux exigences de la mode, sans compter mille applications plus modestes, mais plus utiles.

Par l’industrie rurale, nous entendons, en général, toute industrie qui se fait dans les campagnes ; mais, pour être bien comprise, elle doit avant tout être fondée sur les moyens de faire fructifier la terre ou d’utiliser ses productions. Nous pouvons donc la diviser en deux branches : celle qui utilise ou écoule directement les fruits du travail agricole et celle qui, liée à l’industrie en général, transforme sur place, par un travail