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LE SIÈGE DE PARIS[1]



I. — APPROVISIONNEMENS


Les troupeaux poussiéreux et gris
Qui promettent maigre ripaille
Ruminent, couchés sur la paille,
Dans tous les jardins de Paris.

Mais le passant mélancolique
Ne trouve dans tout ce bétail
Ni d’ensemble ni de détail
Empreint d’un charme bucolique ;

Ces grands bœufs aux gens peu frugaux
Font rêver des repas d’Homère,
Et cet agneau tétant sa mère
N’est qu’un avenir de gigots.

Ils ont faim et froid, ils sont mornes.
L’un contre l’autre acoquinés,
Ils ont des airs de condamnés
Et baissent tristement leurs cornes.

Le pourceau dormant au soleil
Frémit au contact d’une mouche
Dont l’ardent aiguillon le touche
Et le fait geindre en son sommeil.

Et dans leurs clôtures de planches
Ils semblent, pauvres animaux,
Savoir qu’au bout de tous ces maux
Ils seront mangés par éclanches.

  1. François Coppée, enfermé dans Paris assiégé, pendant l’Invasion et pendant la Commune, demeura, les premiers mois du siège, avec sa mère et sa sœur aînée dans un logement de la rue des Feuillantines. Mais ils durent l’abandonner dès le début de janvier, chassés par les batteries allemandes du plateau de Châtillon…

    Les deux pièces suivantes ont été écrites entre deux factions sur le rempart, par le poète douloureusement affligé du deuil de la France… — J. M.