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gagner leur vie dans des professions autres que la profession familiale ?


Telles sont dans leurs grandes lignes les institutions politiques et sociales du Japon moderne. Il est peu de peuples qui aient accompli en un temps aussi court une œuvre aussi considérable ; il en est peu aussi qui aient accompli une œuvre aussi heureuse. Après un siècle de troubles, après trente ans de révolution, le calme s’est rétabli, la puissance de l’empereur n’est discutée par personne ; deux grandes guerres glorieuses ont prouvé la force de l’armée et de la marine, la solidité des finances ; la marine marchande du Japon a pris le quatrième rang entre les marines du monde et ne le cède qu’à celles de l’Angleterre, de l’Allemagne et des États-Unis ; son commerce extérieur est égal à celui de l’Australie et du Canada ; ses industries et’ ses mines se développent rapidement, son réseau de chemins de fer, de télégraphes et de téléphones est celui d’une grande puissance ; on évalue sa richesse à 70 milliards ; les lourdes charges laissées par la guerre n’en empêchent pas l’augmentation rapide. Sa population, restée stationnaire pendant un siècle et demi, s’est accrue depuis les réformes, elle est aujourd’hui de 50 millions d’âmes ; Formose a 3 millions d’habitans, la Corée 10, Sakhalin et le territoire de Port-Arthur quelques centaines de milliers.

De l’examen que nous venons de faire nous pouvons tirer cette première conclusion : les victoires du Japon ne sont pas dues uniquement aux qualités militaires de ses soldats ; c’est à tort d’ailleurs qu’on verrait dans ces qualités l’héritage de son ancienne constitution, puisque cette constitution lui a donné deux siècles et demi d’une paix complète ; ces qualités proviennent surtout de l’éducation reçue depuis quarante ans à l’école et au régiment. Les victoires du Japon, comme aussi ses succès économiques et scientifiques, sont le résultat des institutions créées par l’Empire restauré, institutions doublement fortes, parce qu’elles n’ont pas seulement une valeur technique, une valeur matérielle, qu’elles ont aussi une valeur morale. L’œuvre heureuse accomplie par les réformateurs sera donc une œuvre durable, mieux encore une œuvre que le temps ne peut manquer de fortifier et de développer.

Et de notre examen nous tirerons une seconde conclusion,