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qu’elle existait dans ce pays, demanderait au Japon un siècle de préparation. Ce fut donc à l’Allemagne que s’adressèrent l’empereur et ses conseillers ; récemment unifiée, militaire, à moitié féodale, fortement hiérarchisée et pourtant ardente à développer sa marine, son industrie et son commerce, occupée de se donner des lois et des institutions nouvelles, l’Allemagne est de tous les pays celui dont la situation présente le plus d’analogie avec celle du Japon. Les principales institutions du nouveau Japon s’inspirent donc des institutions prussiennes ; on les a cependant modifiées pour leur enlever leur caractère de discipline étroite et quelque peu brutale, qui ne conviendrait pas à un peuple souple et docile, mais nerveux, impulsif, fier et susceptible, habitué à être mené, mais d’une manière paternelle, par des appels faits à son cœur et à sa raison. Le but que se sont proposé les fondateurs des nouvelles institutions a été de créer un empire qui soit à la fois autocratique et moderne, qui reste militaire tout en se faisant commercial et industriel ; de créer cet empire par la méthode scientifique des Allemands, que leur propre tempérament a rendue méticuleuse.


L’œuvre politique proprement dite, pénible entre toutes et maintes fois modifiée, s’est trouvée enfin résumée en 1889 dans la Constitution et dans les lois sur la famille impériale, la Chambre haute, la Chambre basse (celle-ci refaite en 1899), les rapports des Chambres, les finances. Le régime qu’ont organisé ces lois est à la fois autocratique et constitutionnel, ce qui est conforme aux traditions du pays : en principe, l’empereur, le shogun, les princes féodaux gouvernaient autocratiquement ; en réalité, leurs pouvoirs, déjà limités par le fait qu’ils les exerçaient concurremment, étaient presque annihilés par cet autre fait que leur dignité les empêchait de les exercer directement ; les pouvoirs de leurs ministres et fonctionnaires héréditaires étaient limités par les assemblées de tous les ordres politiques et de toutes les classes sociales. Cependant on ne doit pas considérer la constitution japonaise comme un contrat où le souverain et le peuple auraient figuré comme des parties traitant sur le pied d’égalité. C’est une charte, que l’empereur a volontairement accordée à son peuple ; il n’y a pas limité sa puissance, il y a seulement défini de quelle manière il entendait l’exercer à l’avenir. Aucune loi, émanât-elle de lui-même, ne saurait en