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des conversations, des mots qu’on n’avait d’avance ni médités, ni calculés, ont été prononcés, le parti excessif qu’on a essayé d’en tirer ailleurs sera pour l’avenir un avertissement utile. Au surplus, tout le monde peut trouver une leçon dans les derniers événemens. Le reproche a été fait à la Triple Entente, et surtout à la France et à l’Angleterre, de n’avoir pas eu, dans ces derniers temps, une politique assez vigilante, assez active, tandis que la Triple Alliance, où des hommes nouveaux ont montré les qualités contraires, a fait preuve d’une habileté fructueuse. Il y a sans doute une part de vérité dans cette allégation ; mais il est trop tôt pour en tirer les conséquences extrêmes qu’on en tire, et il n’est pas trop tard pour rectifier ce qu’il y a eu d’un peu flottant dans la direction des affaires. La Triple Entente, quoi qu’on en ait dit, n’a rien perdu de sa force, et cela est heureux, car beaucoup de choses en Europe sont en train d’évoluer et de muer. Nous entrons, à quelques égards, dans une phase nouvelle. Le marquis de Lansdowne y a fait allusion à la Chambre des Lords. C’est un homme de sens rassis que le marquis de Lansdowne ; il observe froidement avant de juger ; il pèse ses paroles avant de les laisser tomber ; comment ne serions-nous pas frappés de son langage lorsqu’il dit : « Nous formons une nation pacifique et, en ce moment, nous avons confiance de n’être en querelle avec personne ; mais nous ne pouvons ignorer que l’esprit d’inquiétude souffle sur le monde, que les grandes nations, à mesure que les années passent, cèdent à des besoins d’expansion toujours plus forts, que leur concurrence commerciale devient de plus en plus vive, que la lutte des arméniens gagne sans cesse en âpreté. Il serait vraiment optimiste celui qui se hasarderait à dire qu’à l’heure présente le monde civilisé jouit d’un équilibre bien solide. » Sans doute les traits de ce tableau touchent particulièrement l’Angleterre, mais nous pourrions y en ajouter d’autres qui n’auraient pas moins d’intérêt pour nous.

On en est venu en Allemagne à un tel point de susceptibilité, de sensibilité, si l’on veut, que quelques mots de M. Pichon, prononcés à la tribune du Sénat, y ont provoqué dans la presse des commentaires tout à fait disproportionnés avec leur importance. M. de Lamarzelle, s’appuyant sur un de nos journaux, avait affirmé que, depuis trois ans, nous n’avions pas eu de conversation d’ordre militaire avec l’Angleterre, et il en avait conclu que l’alliance cordiale était bien affaiblie. Nous n’avons pas eu de conversations militaires avec nos amis ? « Qu’en savez-vous ? » a demandé M. Pichon. On a vu là, on a voulu y voir en Allemagne la révélation d’un fait qu’on a feint d’avoir