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droite est réservé au maître et à ses hôtes, celui de gauche aux femmes et aux serviteurs.

Au fond du compartiment des hommes, un autel, avec quelques statuettes bouddhiques et une multitude de petites soucoupes pleines de beurre, dont l’une toujours brûle en veilleuse ; dans le prolongement du foyer, des banderoles portant imprimée l’image d’un cheval divin, symbole qui joue un grand rôle dans cette région de cavaliers. Tout autour, sur le sol, sont dispersées les richesses de la famille : des selles, des armes, et surtout de nombreux ballots, contenant les uns du thé, du sel, de la farine d’orge, un peu de riz, denrées venues de loin, les autres des peaux et des fourrures qui serviront à de nouveaux achats.

Le côté gauche contient les ustensiles de cuisine, de grands récipiens pour conserver le lait, pour baratter le beurre. Là on travaille avec assiduité pour servir les hommes assis sur des peaux de l’autre côté du feu. À droite, c’est le salon ; à gauche, la cuisine.

Le foyer ne sépare pas complètement les deux domaines ; un assez large passage existe entre lui et le mur de l’étable, contre lequel sont généralement disposés plusieurs lits, couches de peaux entourées de rideaux.

Dès que nous entrons, le côté des femmes s’agite : le combustible est précipité dans le foyer, le beurre frais extrait de la baratte, et un vase se remplit d’une délicieuse crème, légèrement aigre et épaisse à plaisir. Le thé est servi, par-dessus le foyer protecteur des bonnes mœurs, par la majestueuse dame de céans.

La polyandrie du Tibet a fait couler beaucoup d’encre. Les sociologistes inclinent à la considérer comme une des manifestations du parfait communisme de la famille, par lequel tous les frères ne font qu’un avec leur aîné, ayant la même femme comme ils ont les mêmes biens. Or, nous n’avons trouvé ni communisme, ni polyandrie : à la mort du père, ses enfans se divisent ses biens par parts égales, et s’installent chacun de leur côté pour leur compte ; naturellement, ils ont chacun leur femme, ou même plusieurs, bien qu’assez rarement ; je n’ai pu savoir si la polygamie était facultative ou réservée au cas de stérilité.

Le type des hommes est variable ; tous sont grands, beau-