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nous entrions en campagne ! si nous ne marchons pas, on nous attaquera. » On examina la situation de l’armée. Quoique se rendant bien compte de ce que sa formation laissait encore à désirer, on ne crut pas qu’ayant sous la main 210 000 hommes bien armés, on dût rester immobiles, et il fut convenu que, le lendemain, aurait lieu une conférence à la gare de Saint-Avold, avec Frossard, dans laquelle on déterminerait l’opération à exécuter. Le télégramme à Frossard recommandait que l’Empereur fût reçu comme il l’avait été à Metz : « Point de réception officielle, point de prise d’armes. »

Le lendemain 29, Napoléon III se rendit péniblement à Saint-Avold et il tint à une heure, dans la gare, conseil avec Le Bœuf, Bazaine, Frossard. Frossard préconisa une offensive sur Sarrebrück qu’il avait conseillée dans son Mémoire militaire de mai 1867, « parce que, disait-il, ce coup de main, s’il réussissait, porterait une grave atteinte aux projets de l’ennemi, en désorganisant sa base contre la Lorraine et en mettant en notre pouvoir le nœud de ses chemins de fer. » — « En effet, il fut décidé, constate Castelnau qui était présent, que l’occupation prompte de Sarrebrück serait la première opération. » L’Empereur revint à son quartier général, brisé de lassitude. « Il est malade, fatigué, dit le prince Napoléon, il souffre. »

Le lendemain 30, l’Empereur envoya Le Bœuf à Strasbourg voir où en était Mac Mahon et le ramener. En son absence, Lebrun lança deux séries d’ordres résultant de la résolution prise à Saint-Avold : la première avait pour objet de rapprocher le 2e corps d’armée de Sarrebrück et de resserrer le 3e sur le 2e, et le 4e sur le 3e. La seconde précisait aux 2e, 3e, 5e corps d’armée les grandes lignes de la mise en œuvre de l’opération : Frossard franchirait la Sarre le 2 août au point du jour et s’emparerait de Sarrebrück ; il serait soutenu par une partie du 2e et du 3e corps d’armée, tandis que le 4e surveillerait les débouchés de Sarrelouis. Bazaine aurait le commandement des trois corps d’armée destinés à coopérer à cette expédition. Rendez-vous était fixé pour le 31, à onze heures du matin, à Morsbach, quartier général de Frossard ; on y arrêterait, avec les généraux Frossard, Failly, Coffinières et Soleil le, les détails d’exécution pour lesquels, s’en tenant à un ordre d’ensemble, l’Empereur s’en rapportait à l’expérience du maréchal.

Les moyens matériels de franchir la Sarre furent