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LE MYSTÈRE DE L’INDE.

pour le salut du peuple, la joie des Dieux et des hommes. » Peu après, mille brahmanes d’Ourouvéla, qui pratiquaient les sentences du Véda et le sacrifice du feu et faisaient leurs ablutions dans le fleuve Neranjara, se déclarèrent pour lui. Bientôt la foule afflua. Les élèves quittaient pour lui leurs maîtres. Les rois et les reines arrivaient sur leurs éléphans pour admirer le saint et lui promettaient leur amitié. La courtisane Ambapâli fit cadeau au Bouddha d’une forêt de manguiers. Le jeune roi Bimbisara se convertit et devint le protecteur de son royal confrère transformé en moine mendiant. La prédication de Bouddha dura quarante ans sans que les brahmanes y missent la moindre entrave. Sa vie se partageait annuellement en une période nomade et une période sédentaire ; neuf mois de voyage et trois mois de repos. « Lorsqu’en juin, après la canicule brûlante, les nuages noirs s’entassent comme des tours et que le souffle de la mousson annonce les pluies, l’Indou se retire pour des semaines dans sa hutte ou dans ses palais. Les torrens ou les fleuves grossis interceptent les communications. « Les oiseaux, dit un vieux livre bouddhiste, bâtissent leurs nids dans la cime des arbres. » Ainsi faisaient les moines pendant trois mois. Pendant ses neuf mois de voyage, Bouddha trouvait partout des asiles, jardins et parcs, maisons de rois ou de riches marchands. Les mangos et les bananes ne manquaient pas pour la nourriture. Cela n’empêchait pas ces obstinés contempteurs des biens de ce monde d’observer leur vœu de pauvreté et de continuer leur vie de mendians. Tous les matins, ils faisaient leur tournée dans les villages, le maître en tête. Silencieux, les yeux baissés, la sébile à la main, ils attendent l’aumône. Ils bénissent ceux qui donnent et ceux qui ne donnent pas. L’après-midi, dans l’obscurité de la forêt tranquille ou dans sa cellule, le sublime médite dans « le silence sacré[1]. »

Ainsi se propage la secte bouddhiste. En maint endroit, sous la direction du maître, se fondent des associations de moines qui deviendront plus tard de riches couvens. Autour d’eux se groupent des communautés laïques, qui, sans adopter la vie monacale, y trouvent leur idéal et prennent les moines pour maîtres. Les textes, qui nous rapportent ces faits, avec de froides sentences et des raisonnemens mécaniques, toujours

  1. Oldenberg, la Vie de Bouddha.