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LE MYSTÈRE DE L’INDE.

sa vie passée, pour chercher la délivrance dans la solitude et la vérité dans la méditation. La tradition rapporte en mots simples et touchans ses adieux muets à sa femme et à son enfant. « Avant de s’en aller, il pense à son fils nouveau-né : « Je veux voir mon enfant ! » Il va à l’appartement de sa femme et la trouve endormie, étendue sur un lit parsemé de fleurs, la main posée sur la tête de l’enfant. Gotama pense : « Si j’écarte la main de ma femme pour saisir mon enfant, je la réveillerai. Quand je serai Bouddha, je reviendrai voir mon fils. » Dehors l’attend son cheval Kanthaka, et le fils de roi s’enfuit sans que personne le voie. Il s’enfuit loin de sa femme et de son enfant, afin de trouver la paix pour son âme, pour le monde et pour les dieux, et derrière lui s’avance, comme une ombre, Mâra, le tentateur, guettant l’heure où une pensée de désir ou d’injustice s’élèvera dans cette âme qui lutte pour le salut, une pensée qui lui donnera pouvoir sur l’ennemi détesté[1]. »

II. — LA VIE SOLITAIRE ET L’ILLUMINATION

On vit alors Gotama, le royal descendant des Çakias, devenu moine (Çakia mouni), errer sur les grandes routes, la tête rasée, en robe jaune et mendier par les villages, une sébile à la main. Il s’adressa d’abord à de hauts brahmanes, leur demandant de lui indiquer le chemin de la vérité. Leurs réponses abstraites et compliquées sur l’origine du monde et la doctrine de l’identité avec Dieu ne le satisfirent point. Ces maîtres, détenteurs de la vieille tradition des richis, lui indiquèrent cependant certains procédés de respiration et de méditation nécessaires pour produire la parfaite concentration intérieure. Il s’en servit plus tard pour sa gymnastique spirituelle. Puis il passa plusieurs années avec cinq ascètes jaïnistes[2] qui le prirent à leur école à Ourouvala, au pays de Maghada, au bord d’un fleuve où se trouvait une belle place de bain. Après s’être soumis longtemps à leur discipline implacable, il s’aperçut qu’elle ne le menait à rien. Il leur déclara donc un jour qu’il renonçait à leurs mortifications inutiles et qu’il était résolu à rechercher la vérité par

  1. Résumé de la légende par Oldenberg.
  2. Les Jaïnas (dont le nom signifie les Vainqueurs) étaient une secte d’ascètes fanatiques. Elle existait au Sud de l’Inde longtemps avant le bouddhisme et a beaucoup d’analogie avec lui.