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preuve évidente qu’il n’avait rien perdu de son sang-froid et de sa lucidité. Dans le voisinage du sol, les spectateurs entendirent distinctement son moteur, dont il venait de remettre les pleins gaz (preuve évidente que ce moteur, lui aussi, n’était pas à bout de souffle). A quelques mètres environ au-dessus du sol, il cabrait son appareil pour assurer sa descente, lorsque, tout d’un coup, on vit les ailes céder, se replier le long du fuselage et, dans un bruit affreux, le monoplan tomber sur le sol : il était 2 h. 44. L’aviateur, pris sous le moteur, grièvement blessé aux jambes, succombait quelques jours après.

Ce qui s’est passé à ce moment tragique, il est facile de le concevoir : en cabrant son appareil, G. Chavez a freiné trop brusquement, et les ailes, que les vols d’essais des journées précédentes avaient dû fatiguer, ont cédé à la pression de l’air. L’aviateur, au moment d’aborder, a donc, il semble, manqué de doigté ; mais l’accident, en lui-même, est banal, il eût pu se produire aussi bien à Issy-les-Moulineaux qu’à Domo d’Ossola : la montagne n’y est pour rien.

Passons.

L’Alpe, défiée si l’on veut, mais, en tout cas, vaincue, tel est l’événement, la prouesse qui restera toujours le titre de gloire de l’année qui vient de finir, et, satisfaits d’avoir pu le mettre en lumière, à sa vraie place, nous arrêterions ici ce sommaire exposé des grandes étapes de l’Aviation, si le souci de la vérité ne nous faisait un devoir de rappeler à tous ce que la nouvelle science doit à l’accueil enthousiaste qu’elle a trouvé chez toutes les femmes, les femmes de France, particulièrement. Comment oublier que c’est une Française, Mme de Laroche, qui a été la première des aviatrices ? que c’est une autre Française, Mme Lazare Weiller, qui, la première, au camp d’Auvours, a osé confier sa vie au frêle esquif de Wilbur Wright ?

Mais arrivons à la pratique du vol, le sujet principal de cette courte étude.


II

Un chat, maintenu le ventre en l’air au-dessus du sol, ne retombe sur ses pattes que si on le lâche d’une hauteur de deux mètres environ ; lâché à quelques décimètres, il retombe sur le dos, le temps lui manquant pour se retourner, pour réagir, au