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vêtement est peu de chose, c’est un point de peu d’importance Ce n’est pas sur le conseil d’homme du monde que j’ai pris le vêtement d’homme. Je n’ai pris le vêtement, je n’ai fait quoi que ce soit que par l’ordre de Dieu et des anges. » Et le 28 mars : « Je ne le laisserai pas sans l’ordre de Notre-Seigneur, quand on devrait m’en trancher la tête ; mais si cela plaît à Notre-Seigneur, il sera aussitôt mis bas. »


VI. — LA CONDAMNATION

Le dimanche de la Trinité, 27 mai, se répandait dans la ville de Rouen le bruit que Jehanne avait repris le costume viril. Que s’était-il passé pendant ces deux jours ?… Aucun témoignage précis ne peut nous renseigner. Jehanne avait-elle conservé à sa portée ses vêtemens masculins, comme le raconte un chroniqueur ? Lui furent-ils au contraire rendus sur sa demande ? Jehanne, qui avait pu affronter impunément un tête-à-tête continuel avec des soudards, auxquels elle apparaissait moins comme une femme que comme un ange, eut-elle à redouter les outrages de Warwick et de sa soldatesque, ainsi qu’en ont déposé Isambart de la Pierre et Martin Ladvenu ? Tout ce que nous savons, c’est que, dans sa détresse, ses voix lui firent encore entendre leur appel : « Jehanne la Pucelle, fille de Dieu… » Sainte Catherine et sainte Marguerite lui donnèrent une claire vision des dangers qu’elle courait, et lui recommandèrent d’affirmer de plus en plus sa mission. Elles durent aussi lui rappeler la promesse tant de fois répétée : « Ne te chaille pas de ton martyre, tu t’en viendras enfin au royaume du paradis. » Aussi, quand, le lundi 28, elle fut amenée devant Cauchon, avec quelle tranquille assurance ne lui dit-elle pas, au sujet de l’habit d’homme : « Je l’ai pris de ma volonté et sans nulle contrainte. »

L’évêque de Beauvais qui, en certaines séances, avait convoqué jusqu’à cinquante et soixante assesseurs, n’en fit venir qu’un fort petit nombre à cet interrogatoire. Sur sept assesseurs, trois paraissent pour la première et unique fois. Le procès-verbal de cette séance n’a qu’un but : faire croire qu’à Saint-Ouen Jehanne a abjuré.

Pour mieux caractériser l’acceptation soi-disant donnée, on