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traité d’alliance avec la France. Pour avoir l’air de faire quelque chose (Per aver l’aria di far qualche cosa) et, je crois, pour partager avec nous la responsabilité, elle nous proposa un traité entre elle et nous, traité de neutralité dont elle se réserve de faire sortir la paix ou la guerre, selon les circonstances. »

Cette neutralité à double tranchant, d’où pouvaient également sortir la paix ou la guerre, déplaisait aux ministres, « parce qu’elle liait leur liberté d’action sans aucun avantage, sans aucune condition. » Ils procédèrent à la manière italienne, ne dirent pas non, biaisèrent, discutèrent. Sella vint en aide à Visconti, et finalement ils remplacèrent le projet par un contre-projet composé de cinq articles principaux et de cinq autres additionnels. La clause concernant la question romaine y était ainsi modifiée : « Le gouvernement austro-hongrois reconnaîtra en ce qui le concerne et appuiera le principe de la non-intervention des puissances étrangères sur le territoire romain et favorisera, le cas échéant, l’application à ce territoire des mesures les plus conformes aux vœux et aux intérêts des Romains et de l’Italie. » Cette clause était plus contraire encore que l’article 7 à la volonté de l’Empereur. Mais le canon de Wœrth emporta traité et négociateurs et mit en fuite Vitzthum qui repartit précipitamment pour Vienne.


VIII

Victor-Emmanuel avait eu certainement l’intention de nous secourir. Il ne l’a jamais nié. Lorsque, après la paix, il alla à Berlin, reçu à merveille par l’empereur Guillaume, il lui dit : « Votre Majesté m’a embrassé ; j’en suis bien aise, mais je suis avant tout un homme loyal. Aussi je vous dirai qu’en 1870, j’ai été sur le point de faire la guerre : je dois tout à la France ; je me sentais obligé de lui venir en aide. — Je le savais, » répondit Guillaume. La rapidité de nos désastres rendit vaine sa bonne volonté. Après Wœrth, nous étions tombés « au-dessous du niveau où se font et vivent les alliances[1]. »

Ainsi le 6 août 1870, il n’y avait rien de conclu ni sur le point de se conclure nulle part. Il n’était plus question d’un traité français à trois depuis la déclaration de la neutralité ; l’article 7 du traité à deux avait été abandonné et le traité même

  1. Gramont.