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nationale, ne manquent point à l’appel. » Des Garibaldiens, excités par les révolutionnaires français, parcoururent les rues de Florence, bannières déployées, portant des pancartes sur lesquelles était écrit : Guerra ai Francesi ! et hurlant : « Vive Garibaldi ! vive Rome ! vive la Prusse ! à bas la France ! » La Riforma du député Crispi se félicitait de l’imposante manifestation contre une politique enfrancisée, infrancisata. Des démonstrations semblables se produisaient dans d’autres villes.

Victor-Emmanuel ne crut pas prudent de s’opposer plus longtemps au courant politicien et démagogique. Il temporisa et permit à ses ministres de déclarer la neutralité. Visconti l’annonça au Parlement (25 juillet), dans un discours très mesuré. « La conduite à suivre dans les circonstances actuelles ne se rattache pas à la décision que prendra le gouvernement français relativement à la présence de ses troupes sur le territoire pontifical. A cet égard, le pire des partis que pourrait prendre l’Italie serait de profiter de la situation dans laquelle se trouve la France pour lui créer des embarras en la menaçant directement ou indirectement d’une politique de violence dans la question romaine. Dans la guerre qui commence, le gouvernement italien, par des considérations d’un autre ordre, pratiquera une politique de neutralité. » Cette neutralité italienne nous fut moins pénible que celle de l’Autriche : d’abord parce qu’elle la suivait, ensuite parce que Nigra ne nous avait pas, comme Metternich, échauffés d’espérances.

Ainsi deux neutralités, voilà à quoi se réduisaient les alliances qu’on nous avait données comme assurées !

A Vienne comme à Florence, nous n’étions plus des alliés, mais des belligérans qu’on ne doit pas favoriser au détriment de leurs adversaires. Le traité français à trois, enterré déjà à Vienne, l’était également à Florence. Cela importait peu aux ministres italiens qui n’avaient contracté aucun engagement envers l’Empereur ; cela troublait au contraire le Roi qui jugeait son honneur de gentilhomme intéressé à tenir une parole d’autant plus sacrée qu’elle n’était pas libellée. Aussi entêté que Sella, il ne se laissa pas arrêter dans son dessein personnel et, malgré la neutralité proclamée, il essaya de nouer à Vienne, en dehors de ses ministres et au-dessus de leur tête, une alliance directe avec l’empereur d’Autriche, qui, une fois conclue, lui eût permis de s’affranchir de la neutralité et de réaliser le projet