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qu’avec la promesse de l’Italie de respecter la Convention du 15 septembre. » (25 juillet.) Le jour même, l’Empereur me répondit : « Mon cher monsieur Emile Ollivier, je suis complètement de votre avis au sujet de la dépêche du baron de Beust. » Metternich, que je rencontrai le lendemain, au sortir du Conseil, ne me parut ni moins mécontent, ni moins surpris que nous.

Le Conseil tout entier fut également révolté ; il chargea Gramont de répondre par un non possumus inflexible. Celui-ci envoya, le 25 juillet, à La Tour d’Auvergne un télégramme : « Si les Cabinets de Vienne et de Florence se mettent préalablement d’accord entre eux, faites bien savoir au comte Vimercati et au comte de Beust que la Convention de septembre ne doit pas faire les frais de cet accord. Nous ne pouvons absolument pas y renoncer. L’Empereur est engagé et ne peut pas se dégager. La France ne peut pas défendre son honneur sur le Rhin et le sacrifier sur le Tibre. » Il y revient le 26, à 5 h. 45 du soir, dans un nouveau télégramme : « Faites connaître à l’Empereur, soit par le général Bellegarde, soit par l’archiduc Albert, soit directement, le sentiment de révolte et de répulsion que nous inspire la conduite du comte de Beust en cette circonstance. Je crois que l’Empereur le comprendra et y mettra bon ordre. »

Le 26 juillet, La Tour d’Auvergne porta le non possumus à Beust, qui l’accueillit sans surprise et aussi sans résistance et le même soir, à 9 h. 10, notre ambassadeur télégraphiait : « Beust est tout disposé à tenir compte des observations de Votre Excellence sur le maintien de la Convention du 15 septembre. »

Cette reculade ne calma pas notre ministre des Affaires étrangères sincèrement catholique et délicatement homme d’honneur. C’est peut-être la seule fois, dans toute cette crise, qu’il se montra irrité. Quant à moi, qui me suis toujours défié de tout ce qui vient de l’Autriche, je m’étais rendu compte du jeu de l’ami Beust : il savait qu’à aucun prix nous ne consentirions à installer les Italiens dans Rome, surtout par sa main, et il proposait ce qui nous était inacceptable, dans l’intention d’éviter la coopération qu’il croyait habile de nous promettre. « Cet homme nous amuse, disais-je à l’Empereur, il ne veut rien faire. Prenez vos dispositions sans compter sur lui. » Mais la confiance de l’Empereur était indestructible, et il était entré en plein dans le système de Beust : « Non, non, répondait-il, sa neutralité n’est qu’une apparence pour gagner le temps dont il a besoin. Dès