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ému tout particulièrement le cœur généreux de Guillaume de Humboldt. Dans une longue lettre du 3 novembre 1814, l’ambassadeur s’est empressé de lui répondre qu’il conservait un souvenir très vivant des exquises journées vécues auprès d’elle à Pyrmont. « Je pourrais décrire aujourd’hui encore, assurait-il, le banc du vieux parc, au fond de l’allée, où je vous ai fait la promesse de revenir vous voir ; et, en effet, je me rappelle que j’étais déjà sur le point de retourner à Pyrmont, lorsqu’un motif puéril m’en a empêché. Mais c’est là, pour moi, une preuve certaine que la Providence ne nous avait point destinés à nous rejoindre dans la vie : de telle façon que la seule chose que je regrette est de n’avoir pas été en état d’introduire dans votre existence un peu de joie durable. » Il continuait en prodiguant à sa correspondante d’affectueux conseils de résignation, s’excusait de ne pouvoir pas lui faire obtenir la pension qu’elle désirait, et, de la manière la plus simple et la plus cordiale, la priait de vouloir bien accepter de lui l’équivalent de cette pension. À quoi j’ajouterai que, depuis lors et jusqu’à la mort de Humboldt, celui-ci n’a plus cessé d’accorder à Charlotte Diede un subside annuel qui aurait presque suffi à la faire vivre si même, toujours grâce aux conseils et à l’appui de son éminent protecteur, elle n’avait pas réussi, d’autre part, à se créer un métier lucratif en fondant un atelier pour un certain procédé de découpage artistique qu’elle avait inventé, et dont la mode s’est bientôt répandue dans toute l’Allemagne.

Mais ni cette première lettre de l’ambassadeur, ni ses quelques billets des années suivantes ne nous permettent de supposer que la réapparition imprévue de son ancienne confidente de Pyrmont à l’horizon de sa vie ait été pour lui un événement beaucoup plus important que le maintien d’une foule d’autres relations soigneusement formées et cultivées par lui dans les milieux les plus différens. Il n’y a pas jusqu’à une seconde rencontre avec Charlotte, pendant un passage à Francfort en juin 1819, qui ait eu de quoi modifier son attitude, toujours également amicale et quelque peu « distante, » à l’égard d’une femme qui d’ailleurs, en dehors du souvenir des trois journées de Pyrmont, ne pouvait invoquer aucun titre spécial à sa sympathie. Après comme avant cette nouvelle rencontre, la fille du pasteur de Detmold est restée pour lui une malheureuse créature d’un passé plus accidenté qu’il n’aurait convenu, avec cela, ne se distinguant de l’ordinaire des personnes de sa condition ni par son apparence extérieure, ni par aucune qualité exceptionnelle de cœur ou d’esprit. Et puis, au reste, l’illustre homme d’État n’avait guère le loisir