Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Va puiser dans la tombe et redonne à la nue.
Je songe à la vie ample, antique, continue ;
Et à vous, qui marchez près de moi et portez
Avec moi la moitié du rêve et de l’été.
À vous, qui comme moi, témoin de tous les âges,
Tenez l’engagement, plein d’un grave courage,
De bien vous souvenir, en tout temps, en tout lieu,
Que l’homme en insistant réalise son Dieu,
Et qu’il a pour devoir dans la Nature obscure
De la doter d’une âme intelligible et pure,
De guider l’Univers avec un cœur si fort
Que toujours soit plus beau chaque instant qui se lève ;
Et d’écouter avec un mystique transport
Les sublimes leçons que donnent à nos rêves
L’infatigable voix de l’amour et des morts…


CANTIQUE


« Amphore de Cécrops, verse ta rosée bachique ! »
Anthologie grecque.


Mon amour, je ne puis t’aimer : le jour éclate
Comme un blanc incendie, au mont des aromates !
Le gazon, telle une eau, fraîchit au fond des bois :
Un délire sacré m’entraîne loin de toi.
— Cette odeur de soleil étreignant la prairie,
Ce doux hameau, cuisant comme une poterie
Avec ses toits de brique, ardens, pourpres, poreux,
Et le calme palmier de Bethléem près d’eux,
Cette abeille qui danse, ivre, imprudente et bravé
Dans les bleus diamans de la chaleur suave,
Me font un corps céleste, aux dieux appareillé !
— L’aigu soleil extrait des fentes du laurier,
Des étangs sommeillans où le serpent vient boire,
Une opaque senteur qui semble verte et noire.
L’été, de tous côtés sur le temps refermé,
Noie de lueurs l’azur, étale et parfumé ;
La montagne bleuâtre a l’aspect héroïque
Du bouclier d’Achille et des guerriers puniques,