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l’union politique, n’importe qu’à la Prusse, à laquelle elle apporterait plus d’embarras que de forces. Quel intérêt avons-nous à empêcher les démocrates du Wurtemberg et les ultramontains de Bavière d’aller ennuyer Bismarck dans ses parlemens, puisque, au jour du combat, l’Allemagne serait tout entière contre nous ? La seule conduite qui nous permît de vivre en bonnes relations avec l’Allemagne et d’éviter une guerre sans cela inévitable, c’était de renoncer enfin à cette idée que Sadowa fût une défaite française exigeant une revanche et d’en revenir sans aucune arrière-pensée au principe délaissé des nationalités et de ne pas s’opposer à la transformation intérieure de l’Allemagne, dût-elle aboutir à compléter, par l’Unité politique, l’Unité militaire déjà constituée. L’Empereur accepta ce programme avec des réserves, mais quand j’eus été investi de sa confiance, il ne les renouvela pas et, je l’affirme solennellement, dans nos conversations les plus confidentielles je n’ai jamais surpris la moindre velléité de revanche de Sadowa, ni un désir quelconque de conquête, ni d’autres préoccupations que celle de maintenir la paix.


IV

Les accusations de Bismarck contre l’Empereur ne soutiennent pas le regard. Celles contre le ministère étaient tout simplement monstrueuses. Ce ministère était composé d’hommes qui, depuis des années, réclamaient le rétablissement de la liberté, et ils auraient déchaîné une guerre dans le dessein de détruire cette liberté conquise au prix de tant d’efforts et de sacrifices ! Ils n’avaient jamais séparé d’elle la cause de la paix, parce que la paix était la condition essentielle de la liberté, et ils auraient machiné une guerre pour dépouiller un voisin inoffensif ! Sans doute, ils avaient eu le tort de maintenir à Berlin le compromettant Benedetti, qui représentait la politique de leurs prédécesseurs plus que la leur ; mais comment pouvait-on les rendre responsables d’un traité simoniaque dont ils n’avaient jamais entendu parler avant la publication du Times et surtout de la faute lourde, presque sans exemple, d’un ambassadeur livrant à l’ennemi la preuve écrite de sa main d’une proposition aussi honnête ? C’est ce qu’un journaliste de talent, Odysse Barot, dit dans la Liberté : « Le Cabinet du 2 janvier,