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le premier système, les sièges que le scrutin n’aurait pas attribués du premier coup à telle ou à telle liste étaient sensiblement plus nombreux que dans le second. Que faire de ces sièges ? Plus il y en avait, plus leur dévolution était difficile. M. Briand proposait d’en faire une prime à la majorité et de les attribuer à la liste la plus favorisée, ce qui était excessif et injuste, et pouvait même aboutir dans la pratique à des résultats contre lesquels la conscience publique se serait révoltée. La difficulté devant diminuer avec la diminution du nombre de ces sièges est sensiblement atténuée dans le système de la Commission. Dès lors, tout en tenant compte de ce qu’ont de légitime les préoccupations de M. le président du Conseil, une transaction paraît possible, et même assez facile. Il reste encore bien des points à résoudre, mais ils sont moins importans, et, si on continue de montrer de part et d’autre le même esprit de conciliation, l’entente se fera peu à peu et le but sera atteint. Il faut s’attendre cependant à une redoutable défense de la part des arrondissementiers.

Les projets de loi relatifs aux chemins de fer doivent être au nombre de quatre, mais nous n’en connaissons encore que trois. Ce quatrième se rapporte à la rétroactivité des retraites : il coûtera, dit-on, 200 millions et probablement davantage. On croirait vraiment, à lire le dispositif de tous ces projets de loi, que le personnel des chemins de fer est particulièrement malheureux, qu’il occupe un rang de misère dans le monde du travail, qu’il est privé d’avantages dont les autres jouissent et qu’il importe à la justice sociale de réparer les inégalités dont il souffre. Mais si on lit l’exposé des motifs de ces mêmes projets, on s’aperçoit tout de suite que c’est le contraire qui est vrai. Il n’y a pas d’ouvriers plus favorisés que ceux des chemins de fer : leurs salaires et leurs retraites sont plus élevés que les salaires et les retraites de tous les autres, et leur agglomération a permis de créer auprès d’eux et de mettre à leur portée toutes sortes d’institutions qui les aident à mieux supporter les accidens de la vie. D’où vient donc l’intérêt particulier qu’on leur témoigne ? Il vient de ce qu’ils sont nombreux, agglomérés, forts, que les exigences se renouvellent sans cesse et qu’ils ont entre leurs mains, à leur discrétion, un des organes dont le fonctionnement régulier importe le plus à la sécurité et à la prospérité du pays : aussi nous demandons-nous avec quelque inquiétude si le meilleur moyen d’échapper aux dangers de l’avenir est de développer et d’exalter encore chez eux, par les concessions qu’on leur fait sans cesse, le sentiment qu’ils ont d’être très puissans. On a dit autrefois, en parlant