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phoques, les concessionnaires se proposaient de procéder à l’étude des ressources économiques de leur domaine.

M. Henry Bossière prit la direction de cette enquête et s’adjoignit, avant son départ de France, qui eut lieu en novembre 1908, un élève de la marine marchande, M. Jean Loranchet. Pendant un court séjour au Cap, il s’assura la collaboration de trois autres Français, MM. Serre, Capeyron et Carbonne et d’un prospecteur anglais M. Th. Dewar. Ce personnel s’embarqua à Durban, le 13 janvier 1909, sur le transport Jeanne-d’Arc, de la Société norvégienne, steamer de 2 000 tonneaux, bientôt rejoint par deux baleiniers à vapeur, l’Éclair et l’Étoile.

Le transport, aménagé dans les chantiers de Nyland, à Christiania, en vue de son affectation spéciale, avait pris la mer, au commencement de septembre 1908, sous le commandement du capitaine Ring qu’un voyage aux îles Crozet avait familiarisé avec les conditions de la navigation dans ces parages[1].

Comment l’expédition norvégienne avait-elle employé son temps avant l’arrivée de M. Henry Bossière, et quelle fut l’impression ressentie par celui-ci en posant le pied sur une terre qui, depuis une quinzaine d’années, semblait délier les efforts des siens ? Un fragment de son journal, expédié à son frère et que celui-ci a bien voulu nous communiquer en avril 1909, nous -renseigne à cet égard.

« Arrivée à Kerguelen — 24 — I — 1909.

« Il faisait un froid de loup lorsque, le matin, à trois heures et demie, je suis monté sur la passerelle pour voir la terre. La mer était grosse, mais le vent faible. C’était le résultat de la bourrasque de la veille. Le baromètre était descendu à 725 millimètres, mais quand le vent, d’une rare violence, eut atteint son maximum, il remonta progressivement ; trois heures après, il marquait 742. Enfin la température se radoucit et nous passons devant Port-Noël (baie de l’Oiseau) avec un beau soleil et bien à l’abri du vent du Sud-Ouest. Il fait, toute la journée, un temps de printemps idéal. La terre est verte partout ; j’aurais voulu avoir avec moi mon frère ou quelqu’un de la famille, car c’est avec un sentiment de joie que j’ai vu notre île. Après avoir

  1. M. Ellefsen, qui organisa l’établissement de Port-Jeanne d’Arc, a laissé, en mars 1909, la direction de l’usine, créée en ce lieu, au capitaine Ring. Au début de 1910, le transport Jeanne-d’Arc était placé sous le commandement de M. Bull, frère d’un des directeurs de la Compagnie norvégienne.