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l’accueil du gouverneur de l’île de France, M. des Roches, et de l’intendant Poivre, en revanche, il eut à pâtir des intrigues des envieux. L’accueil qu’il reçut à la Cour, et ses nominations de capitaine de vaisseau et de chevalier de Saint-Louis ne firent qu’accroître les jalousies. Quand, en 1773, il entreprit avec le vaisseau le Rolland, accompagné de la frégate l’Oiseau et de la corvette la Dauphine, sa deuxième expédition aux terres australes, le mauvais vouloir se manifesta ouvertement. C’est du moins ce qui ressort de la relation publiée par le chevalier de Kerguelen.

On sait les circonstances de ce voyage auquel prirent part, entre autres, M. de Rosnevet, commandant de l’Oiseau, le lieutenant de vaisseau de Lignevilie, second du Rolland, les enseignes Du Cheyron et de Pagès, les gardes de pavillon d’Aché et de Karnel et le sieur Desloges, aide de port, qui ne tarda pas à desservir son chef. Le gouvernement de l’île de France avait changé de mains et le chevalier de Kerguelen éprouva de telles difficultés pour ses approvisionnemens qu’il dut se rendre à l’île Bourbon afin de s’y ravitailler en vivres frais. Les trois bâtimens appareillèrent de cette île, le 29 octobre 1773. Le 14 décembre, après une traversée mouvementée, la terre fut en vue. L’Oiseau et la Dauphine reçurent l’ordre de chercher un mouillage, tandis que le Rolland opérait le relèvement de plusieurs caps. Malheureusement, la brume survint et força le vaisseau à louvoyer. Le 30, le chef de la petite division navale apprit par M. Ferron que la corvette avait cassé son gouvernail. Plusieurs côtes furent relevées jusqu’au 8 janvier 1774, jour où la frégate fut enfin rencontrée. À ce propos Kerguelen écrit[1] :

« M. de Rosnevet me dit qu’il avait trouvé une baie derrière le cap Français, que le 6, il avait envoyé son canot pour sonder la baie[2], que des gens avaient tiré sur le sable plusieurs pingouins et un lion marin, que le mouillage était bon ; mais que, comme les vents étaient contraires, il faudrait se touer pour s’y rendre ; enfin qu’il avait pris possession de cette baie et de toute la terre au nom du Roi de France, avec toutes les formalités requises. »

  1. Relations de deux voyages dans les mers australes, p. 73.
  2. Ce canot était monté par M. de Rochegude, qui nomma cette rade Baie de l’Oiseau. Ibid., p. 92.