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devait leur faire expier les intentions homicides de Kullmann. En Posnanie, elle fut tout de suite terrible : Kojnechowski, chanoine de Gnesen, coupable d’avoir fait sur l’ordre de l’archevêque certains actes épiscopaux, était déjà en prison, comme Ledochowski ; le suffragant de Posen, Janiszewski, fut à son tour visé. On savait, sans en avoir la preuve, qu’il faisait fonction d’évêque au nom du primat captif. On commença par l’incarcérer, le 27 juillet, pour amendes non payées, et puis, en prison même, il fut l’objet d’une condamnation supplémentaire, parce que, deux jours de suite, il avait administré la confirmation, réclamée d’urgence par l’inquiète piété de beaucoup de jeunes gens. Le 4 août, on alla chercher l’évêque Martin dans son palais de Paderborn, et on l’emmena en prison. Derrière lui tout Paderborn faisait escorte. Il emmenait à sa suite, non pas un parti turbulent, ou une bande d’enfans terribles, mais tout un peuple calme et grave, qui songeait moins à fronder le commissaire qu’à être, une fois encore, béni par son évêque. Ce n’étaient pas là des manifestations pour rire, mais des manifestations où l’on pleurait. Il avait d’avance publié une lettre d’adieux, dans laquelle il disait que, s’il mourait en prison, sa mort ne crierait pas vengeance contre ses persécuteurs, mais invoquerait au contraire leur conversion et leur salut. Il était enfermé depuis dix jours, quand on lui apporta une lettre du président de la province, lui demandant sa démission. « Si j’y consentais, répondit-il, je serais un misérable traître et un évêque parjure. Ma vieillesse appartiendra à l’Eglise comme lui appartint ma jeunesse. » Alors, la cour royale commença contre lui un procès, qui, plusieurs mois après, devait aboutir à sa déposition.

Puisque l’Eglise ne cédait point à Bismarck, Bismarck, diocèse par diocèse, la désorganiserait, et puis la réorganiserait à nouveau.

Déjà, dans cette rebelle Posnanie qu’à tout prix il fallait mater, l’État se mettait à l’œuvre pour cette audacieuse réorganisation. Un beau règlement électoral était concerté par le président supérieur de cette province, pour guider vingt paroisses dans la tâche, imprévue pour elles, de se donner un curé : mais les paroisses aimaient mieux se passer de prêtre, que d’en posséder un qui ne fût pas dûment envoyé par l’archevêque Ledochowski. L’État, découragé, crut enfin prendre une