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motifs politiques étaient « d’ordre plus passager que les motifs spirituels ? » Il annonçait une coalition de plus en plus étroite, de plus en plus solide, entre tous les élémens positifs attachés au christianisme ; en face, se dresserait le libéralisme : et ce serait le combat de deux principes spirituels. « Toute apparition qui surgit entre ces deux principes, poursuivit l’admirable orateur, est une apparition passagère, provisoire, fût-elle aussi puissante que celle d’un Bismarck. M. de Bismarck est à coup sûr un puissant personnage, mais faible comme un roseau devant ces antagonismes qui remuent le monde. » Mallinckrodt, très écouté, mettait ainsi le doigt sur le point faible du grand homme, qui, dans un siècle où le monde est disputé entre deux philosophies de la vie, s’occupait uniquement de jouer une partie politique et finissait par servir, comme ministre, une philosophie inverse de celle à laquelle il adhérait comme chrétien. Ils pensaient, de même au sujet de Bismarck, ces protestans qui gémissaient qu’il laissât péricliter le prestige du christianisme, et ces utopistes du vieux-catholicisme, qui, toujours mécontens et toujours rêveurs, auraient voulu qu’il opposât leur petite Eglise à la grande Eglise romaine, non point comme un spectre taquin, mais comme une puissance spirituelle digne de régner sur les consciences. Mallinckrodt donnait une expression à des regrets que beaucoup de ses collègues, dans les partis les plus divers, essayaient en vain d’étouffer. Quant au projet de loi, il en prenait son parti : « Souffrir, disait-il, prédispose à souffrir, réfléchissez quelles autres armes vous forgerez. Notre devise à nous c’est : Per crucem ad lucem. » Le Reichstag vota comme le réclamait Bismarck ; au soir du 4 mai 1874, fut suspendue, sur tout prêtre de l’Empire, l’alternative d’obéir aux lois ou de perdre, peut-être, la qualité d’Allemand.

On discutait parallèlement, dans les Chambres prussiennes, le projet sur l’administration des évêchés catholiques vacans. Suivre les étapes de ces débats serait fastidieux : entre nationaux-libéraux et membres du Centre, les mêmes discours s’échangeaient, les mêmes affirmations se croisaient, vingt et trente fois de suite. Le protestant Gerlach, lui faisant écho, accusait la Prusse de vouloir réformer l’Eglise par en bas, et détruire l’essence intime du catholicisme en y introduisant le principe démocratique de l’extrême gauche protestante. Où donc est,