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le prétexte et il réussit surtout à diminuer le scandale en les empêchant d’affronter le grand jour. La tenue des assistans à la cérémonie nuptiale n’était pas toujours beaucoup plus décente qu’au temps d’Erasme, car le concile de Narbonne était, en 1609, obligé d’interdire les rires, le bruit et les autres inconvenances qui profanaient cette cérémonie. En Roussillon, la chambre nuptiale se remplissait, au milieu de la nuit de noces, d’une turbulente jeunesse qui venait y faire réveillonner les nouveaux époux et y réveillonner avec eux, et dont l’ébriété ne ménageait ni les oreilles de la jeune femme, ni la vaisselle et le mobilier du ménage. Le curé de Camalas, qui nous révèle cet usage dans son livre de raison, déplore en son dialecte que ne son las matrimonis destos temps com las de Tobias ab Sara, mais il se félicite que du moins il n’y ait pas dans sa paroisse entre les futurs et entre les assistans l’abus de baisers qui signale ailleurs les mariages. Ce n’était pas, au contraire, les baisers qui faisaient défaut à Châlons. Là était établi devant l’autel un cabinet de verdure où les futurs s’agenouillaient et, avec toute la décence requise, en échangeaient plusieurs. À certains momens de la solennité, le futur redoublait les siens. Personne ne s’en scandalisait. Au contraire, l’omission de ces démonstrations de chaste tendresse aurait été considérée par tout le monde comme un mauvais présage. La cérémonie terminée, tous les hommes du côté du marié allaient baiser la mariée et le marié faisait la même chose pour toutes les femmes du côté de l’épousée. La noce sortie de l’église, il était permis à tout honnête bourgeois de la ville de s’approcher de la mariée et de la baiser respectueusement. On voit par cet exemple que le clergé ménageait chez les fidèles certaines habitudes dont un rigorisme sans discernement aurait pu s’alarmer. Il s’associait même aux réjouissances populaires. Aux noces du pays basque, c’était le curé qui menait le branle. L’Eglise ne se montrait pas pour cela moins sévère, quand il le fallait, que certaines municipalités qui interdisaient « comme insolens et immodestes » les branles, les mascarades et les autres réjouissances, quand elles mettaient en péril la moralité ou la dignité du mariage.

Le clergé avait encore à lutter contre les superstitions qui s’y rattachaient. Certains jours étaient considérés comme néfastes. Le mois de mai était l’objet du même préjugé et il fallait que ce préjugé eût pénétré chez les personnes les mieux élevées