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plus difficile à mesure qu’approchait le moment où les époux devaient user des droits que le sacrement leur avait donnés. On se rappelle qu’à Foix les fiancés se considéraient comme mariés et se traitaient comme tels. C’était pour éviter une précipitation du même genre que le curé de Saint-Macaire estimait nécessaire, comme il le remarque dans son registre paroissial, de dire la messe aussitôt après la bénédiction nuptiale. La même crainte avait eu sa part dans la défense de la donner la nuit. L’idéal auquel l’Eglise cherchait à ramener l’acte constitutif de la famille ne pouvait faire disparaître le terre à terre qui en est inséparable, et le prosaïsme gouailleur, la gaieté robuste des classes bourgeoise et populaire prenait sa revanche dans la façon dont elles s’associaient à un bonheur essentiellement domestique et intime.

C’était d’abord dans le repas que se donnaient carrière la prodigalité de l’amphitryon et la bonne humeur avinée des convives. Il était suivi de danses où la décence n’était pas toujours respectée et qui duraient jusqu’au souper. La mariée n’y pouvait refuser aucune invitation, et cependant la maison était ouverte à tout le monde. À tous ces inconnus la jeune femme devait donner la main et même, comme en Bretagne, prêter ses lèvres. Au souper toujours bruyant et confus succédaient de nouveau la danse, puis des libations. C’est tout au plus si après minuit les époux pouvaient aller se coucher. Mais ce n’était pas pour goûter le repos. À peine étaient-ils au lit que la chambre était bruyamment envahie de gens qui échangeaient des propos obscènes, et que recommençait la licence de la veille. Dans certaines régions, ces saturnales se prolongeaient pendant trois jours. Ajoutons qu’elles commençaient avant même que les époux fussent revenus de l’église. À l’église même, quand ils y entraient, le futur était bourré de coups de poing, pendant la cérémonie les assistans faisaient assaut de gestes et de propos grossiers. Cette description est empruntée à Erasme et l’on aimerait à croire qu’elle ne convenait plus, au moins sans certaines atténuations, à l’époque qui nous occupe. Il faut observer pourtant que les agitations publiques qui ont désolé notre pays, depuis qu’elle a été écrite, n’avaient pas été de nature à diminuer cette licence. Pendant la mission qu’il prêcha à Grenoble en 1600 et 1601, le P. Coton entreprit d’arracher la classe populaire à l’habitude des réjouissances indécentes dont les mariages étaient