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le sens de l’invalidité, mais cette invalidité n’était prononcée qu’à la requête d’un des conjoints, elle n’était donc pas d’ordre public. En 1633, l’avocat général Talon remarque que les mariages par paroles de présent deviennent très fréquens. En 1637, un autre avocat général, Bignon, signale la « multitude d’abus » auxquels donne lieu la célébration de l’union conjugale et qui augmentent de jour en jour. Il y avait des prêtres qui étaient connus pour prêter leur ministère aux mariages clandestins. Tel était Jean le Tonnelier, vicaire de Saint-Eustache. Enfin c’est au terme de notre période que le doyen des maîtres des requêtes, Gaulmin, contracte une de ces unions qui se réduisent à une simple déclaration devant le curé suivie d’un acte notarié et qui, longtemps après cette période, déjoueront encore, sous le nom de mariages à la Gaulmine, l’interdiction des mariages par paroles de présent.

Ce qui, dans l’histoire de l’institution matrimoniale, distingue la première moitié du XVIIe siècle, c’est donc beaucoup moins la réforme pratique, l’amélioration profonde de cette institution que la formation de sa théorie légale. À les prendre une à une ; il semble que les conditions nouvelles de validité auxquelles elle fut soumise sont bien peu de chose et qu’il y a quelque exagération à voir là une œuvre législative originale. Si l’on était tenté de faire bon marché de la nécessité et du nombre des publications, de celui des témoins, de leur inscription sur le registre paroissial, nous ferions remarquer qu’en fait de publicité, une question de plus ou de moins n’est pas indifférente, parce que la publicité est la sauvegarde indispensable de la régularité ; mais surtout nous insisterions sur l’importance morale et sociale du droit attribué à la puissance paternelle. Ce n’est pas peu de chose, à ces deux points de vue, qu’une innovation qui établit une dépendance entre l’acte constitutif de la famille et l’autorité qui en assure la permanence et l’unité d’une génération à l’autre. Et ce qui ajoute à cette importance, comme à celle des innovations destinées à donner à cet acte plus de publicité, c’est que le pouvoir religieux put accepter les unes et les autres sans rien perdre du privilège de le consacrer. Après avoir constaté l’effort du législateur, le concours de l’Eglise et les résistances opposées à leur action commune par des habitudes invétérées, nous allons voir comment, sous l’empire des lois et des mœurs, se préparait et se concluait le pacte conjugal.