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faire coïncider les travaux de l’État avec les grands travaux agricoles, afin de provoquer un renchérissement de la main-d’œuvre et de soumettre plus aisément les propriétaires fonciers aux exigences des Chambres du Travail. La tolérance, — pour ne pas dire la faveur, — dont jouissaient les organisations ouvrières allait si loin que, dans certaines provinces, on a vu les fonctionnaires de l’administration et de la police servir d’intermédiaire entre les syndicats et les travailleurs indépendans, aviser officieusement ces derniers des mesures de boycottage qu’on avait décidé de prendre contre eux, et les conjurer de se mettre en sûreté en entrant dans la ligue qui les menaçait. C’est grâce à de telles complaisances que les Chambres du Travail ont pu devenir des institutions quasi officielles. Les ouvriers, les paysans s’adressent à elles, non seulement, pour trouver un emploi, mais pour demander des renseignemens et des conseils ; en Romagne, où la pratique religieuse est généralement abandonnée, il arrive qu’on ait recours à la Chambre du Travail pour sanctionner les unions conjugales et pour les rompre. Les autorités locales ont pensé agir dans l’intérêt de la paix et de l’ordre en laissant libre cours à une influence qui s’imposait avec tant de force, et en amortissant les résistances qu’elle rencontrait. Le jour où la tyrannie des syndicats est devenue insupportable, ces mêmes autorités se sont trouvées fort empêchées de la combattre. Au cours de la dernière crise, on laissait tranquillement les ouvriers s’introduire, avec leurs machines, dans des domaines privés, malgré l’opposition formelle des propriétaires, pour peu que les métayers n’y lissent pas de résistance : une circulaire ministérielle assimilait les envahisseurs à des sous-locataires, qu’un locataire aurait introduits dans une maison sans autorisation, et contre lesquels le propriétaire n’avait pas le droit de requérir la police ! Lorsque l’opportunisme ou l’embarras des autorités se traduit par l’emploi de tels subterfuges, on ne s’étonne plus de voir les particuliers protester contre une neutralité qui dégénère en faiblesse, et pourvoir eux-mêmes à la défense de leurs droits menacés.

Depuis longtemps, le gouvernement italien recherche les moyens les plus propres à prévenir les troubles agraires dans les provinces où la fertilité du sol, la densité de la population et la force de l’organisation ouvrière les rendent plus fréquens et plus redoutables. Jusqu’à présent, la plupart des remèdes