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aussi bien que le droit lorsqu’on les juxtapose. Qu’on en cherche de nouveaux pour exprimer une chose nouvelle, mais qu’on n’enlève pas aux mots anciens le sens qu’ils ont toujours eu. Où il y a obligation, il ne saurait y avoir arbitrage. Il faut appeler autrement la juridiction impérative qu’on organise, et, puisque, en fin de compte, on mettra en œuvre la Chambre et le Sénat, nous ne voyons que l’épithète de politiques qui convienne à la fois au tribunal qu’on organise et à son jugement. En les qualifiant ainsi, on leur donnera leur vrai nom, et personne ne se trompera plus sur leur caractère. Tout le monde comprendra que la sainteté des contrats est livrée chez nous aux intérêts et aux passions des assemblées politiques, et on se demandera s’il ne vaudrait pas encore mieux laisser les cheminots se mettre en grève que de prétendre les en empêcher par des moyens dont nous ne saurions dire s’ils sont plus dangereux qu’inefficaces, ou plus inefficaces que dangereux.

Mais ces projets ne sont encore qu’en élaboration, et si on tarde si longtemps à les déposer sur le bureau de la Chambre, c’est sans doute parce qu’ils ne sont pas définitivement arrêtés. Le gouvernement peut encore se raviser. M. Briand a rendu de grands services à la cause de l’ordre au moment de la grève des chemins de fer : serait-il donc plus facile d’agir avec énergie, avec courage dans le présent, sous l’étreinte des circonstances, que de légiférer avec prévoyance et habileté pour l’avenir ? Nous ne méconnaissons pas ce que la situation de M. le président du Conseil a de difficile ; il est juste d’en tenir compte ; mais aux difficultés qu’il ne saurait éviter et qu’il vaut mieux par conséquent aborder de front, pourquoi en ajouter d’autres ? C’est bien à tort qu’on l’a accusé parfois de vouloir contenter tout le monde ; mais il ne faut pas non plus faire l’opposé et ne contenter personne. Quoi qu’il fasse, il ne ramènera pas dans son giron les élémens d’extrême gauche avec lesquels il a rompu et qui ne le lui pardonneront jamais. Il a paru aussi, récemment, repousser de parti pris les adhésions qui lui venaient de la Droite : elles n’étaient pourtant accompagnées d’aucune exigence. Sans doute il lui est resté encore une belle majorité, mais s’il en exclut les proportionnalistes et, après eux, les défenseurs intelligens du travail national, qui a besoin de discipline chez les ouvriers et de sécurité chez les patrons, et qui ne peut trouver cette sécurité qu’en dehors des interventions politiques, nous ne sommes pas sans inquiétudes pour un avenir assez prochain. M. Briand a fait beaucoup de bien dans le pays, et il n’est pas prouvé qu’un autre l’aurait fait à sa place. En prononçant, en répétant