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Une femme courageuse, Mlle Oger, s’était chargée d’aller remettre au directeur de Mazas la lettre de l’abbé Lagarde et celui-ci fit savoir à l’abbé que l’archevêque en avait eu connaissance. D’autre part, M. Lagarde fut averti que B. Flotte allait venir à Versailles pour s’entendre avec lui et hâter son retour, si cela était jugé plus convenable.

Le 23 avril, Mgr Darboy, très attristé, ne pouvait cacher à Flotte son mécontentement des retards de Versailles et lui communiquait le texte d’une lettre remise par lui au ministre des États-Unis, M. Washburne, qui était venu le voir dans sa prison. Cette lettre était destinée à l’abbé Lagarde et lui enjoignait de rentrer à Mazas. Pendant ce temps, l’abbé faisait une démarche auprès de l’ambassadeur d’Angleterre et auprès du nonce, Mgr Chigi, qui, en son nom et au sien, s’adressait à M. Washburne, lequel ne ménagea ni son temps ni ses peines pour rendre à l’archevêque et aux otages de réels, mais, hélas ! d’inutiles services.

D’après le colonel polonais Nitmann, qui avait commandé le corps des Vengeurs dans l’armée des Vosges, ami de Dombrowski et de Cluseret, en relation avec Félix Pyat, la Commune jouait un double jeu. Elle cherchait à prouver aux partisans de Blanqui qu’elle employait tous les moyens pour faire revenir le vieux conspirateur à Paris, et en même temps elle s’inquiétait peu que la mission de M. Lagarde réussît ou non, car le parti violent qui voulait faire égorger les otages n’attendait qu’un prétexte pour donner l’ordre de leur exécution. Aussi, l’abbé de Lisicki et l’abbé Amodru, convaincus que le retour de l’abbé Lagarde serait le signal du massacre, et concluant que c’était là un piège odieux, le suppliaient de rester à Versailles. Mais le 22 avril, le Cri de Paris ayant accusé formellement l’abbé Lagarde d’avoir trahi son serment pour obéir à M. Thiers et ayant dit que Paris saurait maintenant où étaient la modération, l’honneur, la justice, et sur qui devait retomber la responsabilité des événemens, M. Jules Simon fit chercher M. Lagarde. Il lui apprit que le moment était venu de répondre à la lettre de l’archevêque. Il lui présenta alors un pli cacheté et l’engagea à partir sur-le-champ. M. Vitet, membre de la