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qu’il n’est pas d’âme assez haute pour distinguer l’un de l’autre.

Il se dirige du côté du théâtre, qui l’attire comme tous les jeunes gens lettrés du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle, du XIXe siècle et du XXe siècle.

Il devient élève de Molière et de Boileau, surtout de Molière, plus tard surtout de Boileau. Il se reconnaît avec raison des qualités égales de poète comique et de poète tragique. Il vise plutôt à la tragédie parce que c’est un genre plus noble, ou, pour mieux dire moins méprisé, et parce que Molière à ce moment accapare la comédie et parce que Corneille n’accapare plus la tragédie.

Il est très voluptueux et il est extraordinairement beau. En conséquence, il n’a aucun succès féminin, les femmes admirant les hommes beaux et, quoi qu’on en dise, s’y connaissant, mais ne les aimant jamais, et les caprices étant pour les hommes beaux, les passions tendres pour les hommes de moyen air et les passions désordonnées pour les hommes horribles, qui croient, du reste, que c’est parce qu’ils sont beaux. Quoi qu’il en soit de cette théorie un peu trop générale peut-être, Racine n’a aucun succès féminin. Il est, en sa qualité d’auteur, en bons termes successivement avec deux actrices et avec deux actrices du XVIIe siècle. Bref il n’a jamais séduit aucune femme ni été distingué par aucune femme. Il semble avoir aimé très vivement ces deux personnes hospitalières, ce qui précisément prouve qu’il n’a eu aucune aventure amoureuse en meilleur lieu.

Il devient très illustre comme poète dramatique et indiscuté, ce qui est prouvé par ce que disent de lui ses ennemis mêmes du Mercure Galant, mais ne gagne pas du tout d’argent, car il a peu de succès de public et en enrage. La Phèdre échoue et Mlle Champmeslé lui donne congé. Il est très las de la lutte.

Mais le Roi l’aime et, après lui avoir déjà donné sous une forme ou une autre de très gros subsides, le nomme son historiographe. Racine change instantanément d’existence. La même année, en six mois, il échoue avec Phèdre, est renvoyé par Mlle Champmeslé, est nommé historiographe, se marie et renonce au théâtre.

Pourquoi ce dernier ? Parce qu’il est épuisé ? Non. Phèdre donné comme marque d’épuisement du génie de Racine, malgré la surabondance de preuves qu’apporte de ceci M. Masson-Forestier, reste un peu fort. — Parce qu’il a des remords relativement à la vie d’homme de théâtre ? Point du tout. Il faut prendre très