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LA DÉCOUVERTE DE RACINE

Sous ce titre Autour d’un Racine ignoré[1], M. Masson-Forestier, très connu comme romancier et novelliste, publie un volume où il s’attache à nous démontrer que personne n’a jamais compris Racine, — ceci, non par manque d’intelligence, mais par manque d’information, — et qu’il l’a, lui, sinon découvert complètement, du moins reconnu, comme disent les navigateurs, et en a le premier donné les grands traits de physionomie d’une façon exacte.

Jusqu’à présent, dit-il, à cause des Jansénistes qui ont tiré à eux Racine tant qu’ils ont pu, à cause de Louis Racine, janséniste lui-même, qui a tracé de son père, qu’il n’a pas connu (c’est vrai), le portrait le plus fade du monde (c’est vrai) ; à cause d’une tendance que nous avons ou plutôt que nous avions en France à considérer les grands écrivains comme de grands honnêtes gens, nous nous sommes représenté Racine comme un homme très sensible, très tendre, très doux, très pénétré, à partir d’un certain âge, de sentimens religieux, et, quoiqu’un peu malicieux, d’une exquise et délicate bonté.

Rien de plus faux : 1° Racine était un bandit ; 2° Racine était un bourgeois avisé, prudent, adroit et plat.

Il était un bandit. Il était « féroce, » il était « un beau tigre ; » il était « l’homme de passions dévorantes, » déchaîné à travers la société per fas et nef as ; il était « cruel, » il était un « Benvenuto Cellini ; » il était grand séducteur de femmes, de ces « vigoureux mâles qui regardent d’en haut les

  1. 1 vol. in-8, Mercure de France.