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nelles par la concentration de leur système nerveux ; 2o l’unique point vulnérable de ces larves doit être atteint ; 3o l’œuf doit être déposé au point précis qui seul convient ; 4o le ver doit manger par sa méthode si compliquée. Et pareil concours serait en effet de résultats fortuits ! Mais, pour nous en tenir à la larve, le premier hyménoptère s’avisant d’alimenter sa larve avec une larve de cétoine ne pouvait laisser de descendance si, dès la première génération, n’était scrupuleusement observé l’art de consommer les vivres sans provoquer la pourriture. N’ayant encore rien appris, le nourrisson mordait au hasard et il périssait. Or les scolies actuelles, qui ne sont pas novices, meurent toutes sur des éphippigères paralysées par le sphex, par exemple. Le fortuit devient dérisoire au milieu de telles complications. Donc, à l’origine, ou bien la consommation est méthodique et l’instinct est inné, ou bien elle est hésitante. Mais alors quelles étranges acquisitions sont nécessaires ; faites par un être impossible, grandissant dans des successeurs impossibles. « Je hausse l’épaule, » dit M. Fabre. Il ajoute que, d’après la théorie, la scolie descend d’un précurseur mobile. Mais ce précurseur est le deus ex machina du transformisme, et l’imaginer, c’est vouloir illuminer une obscurité avec une autre : « phraséologie vague qui jongle avec le secret des siècles, où se complaît notre paresse, rebutée par les études pénibles. Les choses sont moins simples que le disent nos vues précipitées. »

Ce n’est pas tout. Quand l’hyménoptère sort du cocon, ses prédécesseurs n’existent plus. Il n’a donc pas de maîtres ; rien ne lui est transmis par éducation par conséquent, et nous avons dit que lui-même était incapable de profiter d’une expérience accidentelle, de modifier les phases de ses actes. Enfin, à l’origine, deux réussites au moins doivent être réalisées à la fois, pour donner un mâle et une femelle. C’est l’impossible se répétant. Non, si l’hyménoptère excelle dans son art, c’est qu’il est fait pour l’exercer. Le don est originel, parfait dès le début. Il n’a pas varié, il ne variera pas. Tel il était, tel il est, tel il restera. Et M. Fabre repousse cette théorie de l’instinct. Il n’y voit qu’un jeu d’esprit où l’observateur ne trouve aucune sérieuse explication à ce qui est.

Si les acquisitions graduelles n’expliquent rien dans une race, il est également vain d’imaginer des transitions, des perfectionnemens progressifs d’une espèce à l’autre. Dans un demi-