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Le sphex qui s’approvisionne avec des grillons a l’habitude, après avoir amené le grillon près du terrier, de le laisser dehors et de descendre au préalable au fond du terrier avant d’y introduire la proie. Pendant la visite, éloignons le grillon de l’entrée. Invariablement, au lieu de le descendre tout de suite, le sphex, à son retour, le ramène au bord du trou et recommence la visite domiciliaire. Ici encore ses actes sont comme mécaniquement liés et la faculté d’acquérir la moindre expérience lui semble totalement étrangère.

Le pélopée, frileux hyménoptère, approvisionne son nid avec des araignées. Au moment où il vient d’achever sa cellule de boue, d’emmagasiner sa première araignée et de fixer l’œuf sur son ventre, profitons de son départ pour enlever l’araignée. À son retour, bien qu’averti par le toucher et par la vue, il emmagasine sa deuxième araignée comme si de rien n’était. Enlevons-la, il recommence avec une troisième et ainsi de suite. Deux jours après enfin, jugeant sa bourriche suffisamment approvisionnée sans doute, alors qu’elle ne contenait rien, il clôture. Il fait mieux même ; car, si au moment où le pélopée va recouvrir le nid de crépi, on enlève celui-ci de la muraille où il est accroché, sans hésitation l’insecte continue à crépir sur le mince trait circulaire qui marque l’emplacement du nid ; et il achève le travail comme si tout était normal.

Des cas identiques se produisent ailleurs. C’est ainsi que l’halicte ferme normalement d’un tampon ses cellules dévalisées par un diptère parasite.

Voici maintenant une autre expérience. Surmontons le nid de mortier de l’abeille maçonne d’un cornet de papier, non au contact du nid. Les insectes restent emprisonnés et se laissent mourir sans perforer le cornet. Au contraire, si le cornet est bien au contact du nid, ils le perforent et se libèrent. Dans le premier cas, ils peuvent évidemment percer le papier, puisqu’ils viennent de percer leur couvercle de mortier ; s’ils ne le font pas c’est donc qu’ils n’y songent pas. Ainsi, interprète M. Fabre, excellemment doué pour la sortie du cocon, l’insecte, l’heure venue, poussé par un stimulant intime, se met au travail du forage. Mais une fois sorti, il a fait tout ce qu’il était destiné à faire pour sa libération ; et, incapable désormais de renouveler un acte qui ne doit être accompli qu’une fois, lorsqu’il n’a pas encore senti l’espace libre, il périt faute de la moindre lueur