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seurs emploient les procédés que la science avancée de nos jours pourrait suggérer aux physiologistes expérimentateurs. Il y a chez eux une sublime logique. Leur précision est d’ailleurs extrême ; car le coup de dard donné dans la bouche de l’épeire paralyse les crochets, mais non pas les palpes, leurs très proches voisins et leurs dépendances. Le point tout juste visible qui doit être atteint l’est seul. Le pompile est un vivisecteur d’une effrayante précision.

M. Fabre nous paraît être sorti victorieusement de toutes les objections qu’on lui a faites. Par exemple, il démontre que le gibier n’est pas mort en faisant observer qu’il remue et que son intestin fonctionne ; en conservant pendant neuf mois des larves de cétoine paralysées par la scolie ; en élevant au biberon d’autres victimes. Il a expérimenté que la constitution chimique du venin n’était pas la cause de la paralysie. Il peut donc conclure en admirant : « Dufour, pour expliquer la merveille, ne trouve qu’une liqueur préservatrice ; qu’il me soit permis d’insister sur ce rapprochement entre l’instinct de la bête et la raison du savant pour mieux mettre en son jour l’écrasante supériorité de l’animal. »

À côté des paralyseurs prennent place les tueurs. Leur méthode est également bien inspirée. Le philanthe apivore se nourrit du miel qu’il expulse du jabot de l’abeille. Aussi pique-t-il toujours au col, pour causer la mort réelle. La mante également attaque toujours sa proie par la nuque ; la tarentule fait de même. Tous ces animaux connaissent donc les secrets anatomiques de la nuque, du nœud vital. Beaucoup d’autres points cependant sont vulnérables ; mais ils sont sagement épargnés.

Passons à un autre ordre d’idées. L’insecte parfois est doué d’un sens naturaliste sûr. Le cerceris tuberculé, qui ne vit que du nectar des fleurs, se confine rigoureusement, pour le choix de ses victimes, dans un seul groupe générique, tout en capturant pour ses larves des espèces qui ont entre elles des différences considérables de taille, de configuration, de couleur. Le larin ours, pour établir sa famille, sait très bien distinguer ce qui est culot d’artichaut de ce qui ne l’est pas. Il choisit l’artichaut, le cardon des jardins, la mesquine centaurea aspera, le kentrophylle laineux. On ne soupçonne pas à quel signe il peut se fier.