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au moyen âge. Pendant la convalescence, qui est lente et difficile, le Roi se montre bizarre, fantasque, agité et il entreprend follement cette expédition de Bretagne, qui devait être interrompue si misérablement, presque à son début, par la crise furieuse de la forêt du Mans.

Cet accès de la forêt du Mans suscite quelques difficultés d’interprétation diagnostique. La discussion du problème ne dépasse pas cependant des limites assez étroites et assez précises. D’une part, cet épisode, par plus d’un point, ressemble aux accès ultérieurs : agitation motrice et psychique, déjà évidente les jours précédens, tendances élastiques très violentes, telles qu’on les retrouvera, d’une manière invariable, dans toutes les autres crises. Mais, par ailleurs, on voit revenir, dans la description de cet accès par les contemporains, des termes tels que : fièvre et chaude maladie, qui rappellent certains élémens de l’affection d’Amiens. En dehors des symptômes d’excitation, qu’on peut rapporter à la manie, le tableau morbide par certains traits ressemble singulièrement à la crise hallucinatoire, anxieuse et désordonnée des épisodes délirans subaigus, d’origine toxique : les troubles sensoriels, les terreurs, la fugue, la chevauchée furieuse contre des ennemis imaginaires, l’inconscience, la fièvre, l’épuisement consécutif allant jusqu’au collapsus, et enfin l’amnésie ultérieure des faits de la crise, représentent les symptômes classiques des accidens cérébraux subaigus qui surviennent au cours des psychoses toxiques, à forme confusionnelle, et tels qu’on peut les observer dans l’alcoolisme, l’insolation, le surmenage, etc. C’est le mérite d’A. Brachet d’avoir insisté sur l’importance diagnostique de cet élément de confusion mentale, jusqu’alors méconnu dans la folie du Roi par les aliénistes eux-mêmes. On conçoit qu’un tel accès, survenant après celui d’Amiens, ait pu donner à cet historien l’impression d’un état confusionnel continu avec paroxysmes, d’une sorte de confusion mentale à répétition. Mais les prodromes mêmes de cet accès, aussi bien que son évolution ultérieure, semblent prouver que, dans le tableau morbide, deux ordres de symptômes se sont superposés et comme enchevêtrés. Cette association clinique d’élémens maniaques et confusionnels s’explique par la prédisposition à la manie que démontre la biographie du Roi, et, d’un autre côté, par des conditions accidentelles d’auto et d’hétéro-intoxication,