Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/862

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Pol, d’une maladie intercurrente non déterminée. « En iche-lui, dit P. Cochon, prist au roi de France, nommé Charles VI, une maladie qui ne dura guère et trépassa le mercredi XXIe jour d’octobre. » Monstrelet donne de l’autopsie cette relation succincte : « Et fut trouvé qu’il avoit le cuer et le foye net. »


VI. — LES OPINIONS MÉDICALES

Cette étude, d’après les textes, de la folie de Charles VI, constitue un simple chapitre de cette Médecine de l’Histoire, qui tend à introduire, dans la critique historique, l’enquête médicale, se propose d’éclairer la conduite et les actes des hommes par l’analyse médico-psychologique des élémens de leur caractère, et de déterminer les facteurs pathologiques qui sont intervenus dans les réactions humaines, individuelles et collectives, du Passé. En recherchant maintenant quelle a été, depuis l’ère contemporaine jusqu’à nos jours, l’opinion des médecins sur la maladie du Roi, je compléterai cet essai de Médecine de l’Histoire par un bref chapitre d’Histoire de la Médecine.

Les médecins contemporains ne nous ont transmis ni observation ni diagnostic. Seule, la cause de la maladie les intéressait. S’agissait-il d’un empoisonnement ou d’un épanchement de bile ? Telle fut la question qu’ils discutèrent par voie de syllogisme, mais sans succès, car Juvénal nous apprend que cette maladie « moult les esbahit et déconfit, » et le Religieux ajoute qu’ « ils ne parvinrent même pas à en découvrir la cause. » Guillaume de Harseley, praticien renommé, avait reconnu que le Roi avait « le chief tendre et tost esmu » et recommandait de « ne pas le courroucier ni le mélancholier. », Mais ce n’était là, dans sa pensée, qu’un pronostic, et un mode de traitement, non un diagnostic. Quant au nom donné à l’affection par les différens auteurs, il est extrêmement variable et imprécis. Le Religieux dit : Amentia, Insanitas, Desipientia. Juvénal, Froissart, Monstrelet emploient indistinctement les mots de folie, frénésie, démence, aliénation d’esprit, aberration de l’entendement, etc. Il faut arriver au XIXe siècle, pour trouver l’expression de diagnostics scientifiques touchant la maladie de Charles VI. Parmi ces diagnostics, on peut établir deux catégories : d’un côté, il y a unanimité des médecins et des aliénistes pour proclamer l’existence, chez le Roi, d’un état maniaque. De l’autre côté, nous voyons, seul