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beaucoup de circonstances, fort bien conservée. Il reconnaît les personnages de la Cour, les nomme par leur nom, se rappelle leurs titres et leurs attributions. En 1420, il reçut le roi d’Angleterre et l’accompagna dans Paris, sans oublier les moindres formalités du cérémonial usité en pareille occasion. « Adonc, raconte Monstrelet, fut présenté aux deux roys à baiser les sainctes reliques, et premièrement au roi de France, lequel se tourna vers le roy d’Angleterre, en lui faisant signe qu’il voulsist premier baiser, et le roy d’Angleterre, en mectant main à son chaperon, faisant révérence au roy de France, lui fit signe qu’il baisast. Et, en ce faisant, baisa ledit roy de France, et après lui le roy d’Angleterre. »

La sensibilité du Roi, en dépit de longues périodes d’insouciance et d’apathie, se manifeste parfois avec une certaine vivacité. S’il reste indifférent, ou hostile même, à l’égard de son frère et de sa femme, il est plein de tendresse et de sollicitude pour son fils, le dauphin. « Quelques personnes, dit le Religieux, osèrent accuser la Reine de négliger ses enfans. Le Roi en fut fort irrité. Il voulut savoir la vérité de la bouche même de son fils aîné, et lui demanda affectueusement depuis combien de temps il était privé des embrassemens de la Reine sa mère. « Depuis trois mois, répondit le Dauphin. »

Juvénal raconte cette anecdote : « Or advint, une fois que le Roy disnoit et estoit à table, que la nourrice, laquelle nourrissoit monseigneur le Dauphin, vint devers le Roi et dit qu’on ne pourvoyoit en rien ledit Seigneur, ni celle ou ceux qui estoient autour de lui et qu’ils n’avoient que manger ni que vestir. Le Roy de ce fut très malcontent et répondit à la dicte nourrisse que luy-mesme ne pouvoit rien avoir et qu’il n’avoit autre chose, et fut le Roy très mal content des façons qu’on tenoit. » Le Religieux confirme ce récit et ajoute que le Roy « donna sa coupe d’or à la demoiselle qui gardait son fils, » en reconnaissance de ses bons services.

En 1416, la fin d’un de ses fils, qui meurt de tuberculose pulmonaire à l’âge de neuf ans, l’afflige profondément, au dire du Religieux.

Enfin il n’est pas rare que la volonté du Roi s’affirme et s’impose, avec une fermeté qui dégénère souvent en obstination. Dès que l’on contrarie son bon plaisir, il s’irrite et exige brutalement l’obéissance.