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rencontré à Versailles, et qui se plut à l’accompagner dans ses nombreuses et pénibles démarches.

Le vicaire général crut devoir rendre visite à tous les ministres et leur raconter l’entretien qui lui avait donné le meilleur espoir. Mais, dès le lendemain 14, il apprit, par M. Jules Simon, la venue à Versailles de l’abbé Bertaux et la remise des lettres de Mgr Darboy et de l’abbé Deguerry datées des 7 et 8 avril, en même temps que leur publication dans l’Affranchi. L’abbé Bertaux, qu’il rencontra dans l’antichambre de M. Thiers, lui en confirma lui-même la nouvelle.

Le chef du pouvoir exécutif ne put que déclarer à l’abbé Lagarde, venu pour sa seconde audience : « Avant de répondre à votre lettre, il faut que je réponde à une autre lettre de l’archevêque de date antérieure, mais qui vient seulement de mètre remise par M. le curé de Montmartre après avoir été publiée avant-hier soir dans un journal de Paris. Revenez demain samedi à la même heure. » On voit que la Commune, au lieu de chercher à amener une sorte de conciliation, voulait faire croire que les atrocités et les excès reprochés aux troupes de Versailles étaient bien réels, puisque l’archevêque de Paris et le curé de la Madeleine, hommes dignes de foi, s’en étaient émus eux-mêmes. L’abbé Lagarde protesta de l’ignorance où il avait été laissé au sujet de ces lettres, mais il dut attendre une troisième audience.

M. Thiers répondit à l’archevêque. Sa lettre si importante que M. Jules Simon a publiée dans le premier volume de son ouvrage Le gouvernement de M. Thiers, était ainsi conçue :


« Monseigneur,

« J’ai reçu la lettre que M. le curé de Montmartre ma remise de votre part et je me hâte de vous répondre avec la sincérité de laquelle je ne m’écarterai jamais. Les faits sur lesquels vous appelez mon attention sont absolument faux et je suis surpris qu’un prélat aussi éclairé que vous, Monseigneur, ait admis un instant qu’ils puissent avoir quelque degré de vérité. Jamais l’Armée n’a commis ni ne commettra les crimes odieux que lui imputent des hommes, ou volontairement calomniateurs, ou égarés par le mensonge au sein duquel on les fait vivre. Jamais nos soldats n’ont fusillé les prisonniers, ni cherché à achever les blessés. Que, dans la chaleur du combat, ils aient