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devenir plus fréquens et plus persistans. Ils durent parfois plus d’une année. Le livre de la Maison royale atteste alors les dégâts causés par la fureur du malade. Il note le prix des « longues houppelandes moult gâtées dans les allées du jardin de Saint-Pol, » des « tentures de la chambre royale trouées et dessirées. » Il fait mention, très fréquemment, de « grands draps baignoirs pour le Roy. »

Dans le tableau clinique de la maladie du Roi, deux caractères surtout ont frappé les contemporains : l’intermittence et la monotonie des accès. Les alternatives de récidive et d’amélioration se succèdent avec une régularité dont l’entourage peut, dans une certaine mesure, prévoir et escompter les effets. Pendant les crises, on attend avec confiance que le Roi recouvre la santé. On profite des phases d’amélioration pour faire intervenir le Roi dans les affaires d’État : mais on se hâte, car on sait que la rechute est proche.

Chaque accès présente une grande ressemblance, sinon une complète identité, avec les accès précédens. Les chroniqueurs, pour annoncer les rechutes, emploient fréquemment des phrases telles que celle-ci : le Roi « entre alors en la même frénésie où il avait été auparavant. » Et cette répétition uniforme des accès les dispense d’une plus longue description.

Toutefois, il faut noter qu’en 1405, le Roi semble être tombé dans un état de prostration, physique et mentale, particulièrement accusée. Voici sur ce point les renseignemens consignés par Juvénal des Ursins, qui, à cette époque, visitait régulièrement le Roi à l’Hôtel Saint-Pol :

« C’estoit grand pitié de la maladie du Roy, laquelle lui tenoit longuement. Et quand il mangeoit, c’estoit bien gloutonnement et louvissement. Et ne le pouvoit-on faire despouiller et estoit tout plein de poux et de vermine et d’ordures. Et avoit un petit lopin de fer, lequel il meist secrètement au plus près de sa chair, de laquelle chose on ne sçavoit rien et lui avoit tout pourri la pauvre chair, et n’y avoit personne qui ôsast approcher de lui pour y remédier. Toutesfois il avoit un physicien qui dist qu’il estoit nécessité d’y remédier, ou qu’il estoit en danger et que de la guérison de la maladie il n’y avoit remède comme il lui sembloit. Et advisa qu’on ordonnast quelque six ou douze compaignons déguisez, qui feussent noircis et aucunement garnis dessoubs, pour doubte qu’on ne les blessât. Et ainsi feust