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négative, ou d’encourir les pires accusations en ajournant ce retour, il préféra ce dernier parti, certain que Mgr Darboy l’aurait approuvé, s’il avait pu être au courant des événemens. Mais la brusque interruption de sa correspondance avec l’archevêque, à l’heure même où il allait céder malgré tout aux ordres du prélat malin formé, donna à son attitude une allure équivoque. Plus tard, il garda le silence, sur l’ordre de son supérieur, Mgr Guibert, et écrivit seulement un mémoire qui, publié aujourd’hui, paraît donner à sa conduite la justification qu’il désirait.

M. Gautherot, qui eût mieux fait d’intituler son livre l’Abbé Lagarde et Mgr Darboy, et non pas Thiers et Mgr Darboy, s’est tourné contre M. Thiers et l’a rendu responsable de ce qui s’est passé. Examinant sa conduite en ces pénibles circonstances et le refus qu’il opposa à l’échange de Blanqui contre les otages, il reconnaît sans doute qu’il n’avait pas éprouvé l’odieuse satisfaction que certains lui ont prêtée, « de sacrifier un prélat qui, a-t-on osé écrire, conservait encore les sympathies, justifiées ou non, de quelques libres penseurs, » mais il émet des doutes sur la sincérité de la douleur qu’il exprima en voyant Mgr Darboy victime de l’affreux système des otages. Il blâme le dédain affecté de M. Thiers et son incrédulité au sujet des sinistres projets de la Commune ; il blâme ses hésitations et ses atermoiemens. Il regrette que M. Thiers n’ait pas voulu considérer l’abbé Lagarde comme un négociateur attitré. Il répète la parole de M. Henri Rochefort, le 20 septembre 1871, au 3e Conseil de guerre : « Si le gouvernement avait consenti à rendre Blanqui, la Commune aurait rendu tous les otages. » En admettant que celle-ci eût tenu sa parole, on doit immédiatement faire observer qu’elle n’entendait rendre que cinq otages : l’archevêque et sa sœur, le président Bonjean, l’abbé Deguerry et l’abbé Lagarde. Elle gardait les autres, sans doute pour d’autres échanges.

M. Gautherot constate que le refus de M. Thiers constituait un péril de mort pour l’archevêque. Il cite à cet égard des extraits significatifs du Soir et du Père Duchêne, des discours de la citoyenne Evry et de Louise Michel. Il atteste avec M. Washburne et d’autres que la mise en liberté de Blanqui n’eût rien ajouté aux forces de l’insurrection, mais sans prouver cette assertion. Et il conclut ainsi : « Tous les témoignages s’accordent à déplorer le refus de M. Thiers et à reconnaître que, si