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jours, à tout instant, opter sans cesse rapidement entre des partis opposés, incertains, gros de périls, souvent dans la fumée du champ de bataille, ou dans la fumée plus noire des renseignemens contradictoires.

Etre imperturbable est non moins capital. Cela implique ne se décourager, ni s’enfler, ne se laisser ni éblouir, ni enivrer, ne pas faire un tableau de toute chose, n’accorder aux sensations successives ou simultanées que la place qu’elles méritent d’occuper. Au milieu des plus dures vicissitudes, des angoisses les plus poignantes, rester maître de soi, d’une indifférence stoïque, d’autant plus impassible que les mauvaises chances s’accumulent ; se maintenir défiant dans les succès, attentif, en éveil, comme si tout allait être remis au hasard, inaccessible à l’infatuation comme à la défaillance.

« Activité ! activité ! vitesse ! » écrivait Napoléon à Masséna[1]. Sans activité pas de général. Un des principaux soins du commandant en chef n’est-il pas de bien choisir le terrain ? Comment le jugera-t-il si, après avoir consulté les indications des cartes, il ne le parcourt à cheval dans tous les sens ? Non moins important est pour lui de reconnaître l’armée ennemie. Comment y parviendra-t-il, s’il ne va l’observer ? » On ne peut plus haranguer, comme le faisait César, nos troupes nombreuses, mais c’est une harangue que prononce de tout son corps le général en chef quand, à la veille de l’action, il parcourt dans une fière attitude, et le visage enflammé de courage et d’espoir, le front de ses troupes que sa présence électrise. Le jour de la bataille, d’autres devoirs d’activité non moins impérieux s’imposent : redresser les erreurs, conjurer les malchances, parer aux surprises, lancer ses réserves à ce rapide moment d’où dépend la victoire ; quoique immobile au centre, déplacer ce centre à chaque phase de la lutte, afin de rester le moteur suprême toujours présent à chaque extrémité.

La résolution, l’imperturbabilité, l’activité supposent cette intelligence cultivée de qui toute action forte relève, mais elles se rattachent davantage à la constitution morale, au caractère, et non moins encore à la constitution physique, à la santé. Avec une âme débile, languissante, sans muscles d’airain, avec des organes imparfaits ou affaiblis, des nerfs en déroute, des jambes

  1. Lettre d’ordre (18 avril 1809).