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commandement et l’Empereur dut se résigner à le prendre sans emploi dans son état-major. Le commandement en chef des troupes de débarquement, dont les mouvemens devaient être combinés avec le chef de l’escadre, fut attribué au général Trochu.


II

Les généraux qu’on avait placés à la tête des corps étaient des chefs dignes de les conduire. Dans aucun temps, dans aucune armée, il n’a existé une réunion d’hommes aussi probes, aussi vaillans, aussi rompus à la guerre. Ils étaient dans la force de l’âge, robustes, pleins de santé physique et d’ardeur guerrière ; leurs états de service étaient magnifiques ; avec du plus ou du moins, ils pouvaient se résumer de la même manière : une carrière commencée en Afrique, une participation glorieuse aux longues fatigues de la Crimée, aux brillans faits d’armes de la guerre d’Italie, aux difficultés de l’expédition du Mexique. S’ils n’avaient été préparés que par la guerre d’Afrique, leur instruction eût été incomplète. Ils y avaient pris l’habitude de se garder de trop près, de ne pas étendre suffisamment le rayon dans lequel on s’éclaire ; tout entiers au décousu des petites expéditions contre un ennemi qu’on avait rarement l’occasion de saisir en champ clos, ils ne s’y étaient pas formés aux combinaisons de la grande guerre. S’ils en étaient restés là, il eût été téméraire de compter sur aucun d’eux pour lutter contre les vainqueurs de Sadowa. Mais, même pendant leur apprentissage africain, ils n’avaient pas été sans s’initier aux principes des grandes guerres. Un de leurs chefs les plus respectés, le maréchal Bugeaud, s’était fait leur professeur en leur exposant les enseignemens de notre épopée militaire dont il était pénétré et qu’il savait rendre accessibles dans des conversations familières. Ils avaient depuis, en Crimée, en Italie, au Mexique, été à même d’appliquer les théories de leur professeur d’Afrique. Aucun des généraux modernes n’avait reçu une éducation aussi complète, sur des théâtres aussi divers et contre des adversaires qui se ressemblaient aussi peu : les campagnes du Danemark et celle de 1866, la première si facile, la seconde si courte, n’avaient pu en enseigner autant aux généraux prussiens. A l’examen, d’ailleurs, les conceptions de ceux-ci avaient paru