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saisir et, le massacre accompli, frappèrent les biens des victimes d’un droit de succession de cent pour cent. Par malheur, leurs descendans, dans la suite des temps, se sont entr’ égorgés ; bien peu nous en restent : exemplaires rares et précieux ! Je n’ai pas besoin de vous certifier que la théorie de la survivance des plus aptes ne s’applique pas à eux. Si nous disions aux Australiens maintenant : Avez-vous rien de tel ? Ils nous répondraient : Voici bien des années, nous avions des coureurs de brousse, des voleurs de bestiaux. — Oh ! point de cela : il s’agit de preneurs de terres, d’accapareurs de terres. — Nous avons pendu le dernier de ces brigands avant qu’il ait eu le temps de faire souche. — Fort bien, voici une seconde qualité d’aristocrates. Dans ce pays, nous avons eu une grande réforme religieuse. Beaucoup de gens en ont profité pour s’approprier des terres et des maisons consacrées au service des malheureux. (Une voix : Quelle honte ! ) Dans ce pays, ce fut une grande détresse. Les mendians s’assemblèrent et se révoltèrent. On dut établir la poor law, les aider aux frais des contribuables : et vous payez maintenant des impôts pour remplacer les fondations que de nobles personnages se sont adjugées. Récemment, avec le secrétaire d’État à l’Intérieur (M. Winston Churchill. — Applaudissemens) j’ai visité le pénitencier de Dartmoor. Sur le sol friable, détrempé, j’ai rencontré un vieillard de soixante-cinq ans, qui purge treize années de servitude pénale pour avoir volé 2 shillings, étant ivre, dans le tronc d’une église. La première fois que les descendans de ces gentilshommes m’appelleront voleur et bandit, pour avoir taxé le riche et ménagé le pauvre, je leur dirai : C’est le tronc des églises, le tronc du pauvre qui alimente maintenant votre vie. — Et je demande aux Australiens : Avez-vous rien de comparable à cela ? — Dans nos plus mauvais jours, répondent-ils, nous n’avons jamais été aussi bas. — S’il en est ainsi, je ne vois pas comment nous pourrons vous aider. Nous vous avons indiqué nos deux meilleures qualités d’aristocrates. Peut-être pourrions-nous encore vous citer les pairies créées pour anoblir les aventures de nos Rois ; ne pourriez-vous pas créer une aristocratie de cette sorte ? — S’il en est ainsi, concluraient les Australiens, nous préférons être gouvernés par un sénat de Kangurous. »

C’est là de l’éloquence populaire, si l’on veut, mais aussi et surtout de l’éloquence démagogique. Non content des motifs de haine et de discorde qui existent dans le présent, M. Lloyd George va encore en chercher dans l’histoire. Nous nous demandons toutefois si des discours de ce genre servent ou desservent la cause qu’ils ont pour