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raisonnement n’est pas inattaquable, et même, si c’en était le temps, il serait facile d’y répondre. Mais nous n’essayons ici que de suivre et de marquer le progrès ou l’évolution des idées de Voltaire sur l’histoire. Et à ce point de vue c’est une dernière phrase qu’il nous suffira de citer : « Les princes qui ont le plus de droit à l’immortalité sont ceux qui ont fait quelque bien aux hommes. Ainsi, tant que la France subsistera,… on excusera les grandes fautes de François Ier en faveur des sciences et des arts dont il a été le père,… on bénira la mémoire de Henri IV,.. on louera la magnificence de Louis XIV, qui a protégé les arts que François Ier avait fait naître. » Le Siècle de Louis XIV est tout entier sorti de là.

Aucun sujet ne pouvait mieux convenir à Voltaire. Né, pour ainsi dire, sur les confins de l’un et l’autre siècle, il avait connu et fréquenté les derniers survivans du grand règne, au Temple les Vendôme, à Saint-Ange les Caumartin, à Vaux le vainqueur de Denain, combien d’autres encore, et de moindres, mais non pas peut-être de moins bien informés, comme Fontenelle, par exemple, dont la prudence et la discrétion notaient pas à l’épreuve d’une délicate flatterie, comme la vieille Ninon, dont le dernier amant, l’abbé de Châteauneuf, avait même été son parrain, comme Mme du Noyer, la mère de sa Pimpette. Et plus tard, en Angleterre, n’avait-il pas été l’hôte de Bolingbroke et l’ami de Prior, deux des négociateurs des traités d’Utrecht ? Avant donc de concevoir l’idée de son Siècle de Louis XIV, on peut dire qu’il en était nourri.


FERDINAND BRUNETIERE.