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de la richesse publique, c’est-à-dire des fonds auxquels puisent, pour leur fonctionnement, les entreprises et le travail lui-même, ces secousses pourraient aller jusqu’à une sorte de guerre civile.

Que peut-on faire et que projette le gouvernement pour écarter ce danger ? On a vu qu’il a été produit, sans doute, par certaines lacunes de la législation, mais beaucoup plus par une série indéfinie de défaillances, en quelque sorte conscientes et voulues, sinon même systématiques, des pouvoirs publics, gouvernement, parlement, magistrature. Tous ces organes de la puissance publique ont employé leur temps et leurs efforts, depuis au moins douze ans, à détruire ou décourager tous les élémens sains et résistans de la nation, et à surexciter et développer tous les élémens malsains. A l’heure où nous écrivons, nous ne connaissons pas exactement les projets du gouvernement et ne pouvons les juger.

Pour prévenir la révolution syndicaliste, bien autrement redoutable que les émeutes incohérentes d’autrefois, il faut, à la fois, un régime général, une hygiène sociale et certains spécifiques.

Voyons quels peuvent être ceux-ci : on projette d’abord d’intéresser les syndicats au maintien de l’ordre en leur donnant la capacité de posséder. L’idée est excellente, mais elle part d’une observation incomplète : cette faculté de posséder, les syndicats, on l’a vu par l’analyse que nous avons faite de la loi de 1884, les syndicats l’ont, en vertu de l’article 6, sans autre restriction qu’en ce qui concerne les immeubles. Qu’on supprime cette restriction, on fera bien, pour le principe, mais cela ne changera guère la situation des syndicats. Ils n’ont pas, il est vrai, la circulaire de M. Waldeck-Rousseau du 25 août 1884 le déclare, la plénitude de la personnalité civile : « La personnalité civile accordée aux syndicats n’est pas complète, dit cette circulaire, mais elle est suffisante pour leur donner toute la force d’action et l’expansion dont ils ont besoin. » Qu’on leur donne la liberté civile complète, soit ; cela comportera le droit de recevoir des dons et legs, qu’ils ne paraissent pas avoir aujourd’hui ; mais leur situation n’en sera guère changée, car, en fait, ils ont toujours pu recevoir des dons, et il est très peu vraisemblable qu’il soit fait aux syndicats ouvriers des legs importans. En mettant les choses au mieux, il faudra bien des dizaines