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Le danger extrême a donc été conjuré dans le passé. Le sera-t-il toujours à l’avenir ? Les chefs syndicalistes n’ont nullement renoncé à leur projet d’amener, par d’énormes grèves concertées dans les services publics, une « révolution économique, » suivant l’expression de l’un d’eux. L’organe du « Syndicat national des Travailleurs de chemins de fer, » la Tribune de la Voie ferrée, qui avait un moment suspendu sa publication, l’a reprise, et bien loin d’être découragée ou repentie, elle fait des plans de grève nouvelle pour l’avenir : « Si nous n’avons pas réussi pleinement, dit-elle, c’est que la grève s’est trouvée engagée plus précipitamment que le Comité de grève ne l’avait décidé lui-même ; c’est qu’ainsi, au lieu d’un vaste mouvement à extension rapide, nous avons eu un déclenchement qui a fait marcher la province trop longtemps après Paris, et rentrer Paris lassé, quand, en maints endroits de province, le mouvement buttait encore son plein. » En même temps, l’un des chefs de la Confédération générale du Travail, M. Griffuelhes, expose des plans menaçans.

Est-il vraisemblable que, après une préparation plus minutieuse et plus méthodique, dans quelques années d’ici, éclate une grève qui deviendrait effective, au moins partiellement, sur tous les réseaux et qu’elle coïncidât avec une grève des postes et télégraphes et peut-être aussi des employés de tramways ? Ce serait la grève générale, dans la mesure et sous la forme que comporte la constitution des sociétés modernes. Ce serait la révolution syndicaliste.

Les chefs des grands syndicats et les dirigeans de la Confédération générale du Travail voudraient imposer toutes leurs conditions. Ils ne se préoccupent pas de la politique suivant la conception historique des classes gouvernementales : les questions extérieures, celles de religion et de direction scolaire, leur sont indifférentes. Ils laisseraient subsister l’ombre du gouvernement et du Parlement, l’ombre des administrations publiques, pourvu qu’on satisfît leurs intérêts et leurs appétits de classes : ils se contenteraient, au début du moins, de subalterniser, sans les renverser, les pouvoirs publics. Qu’on donnât aux cheminots les 252 millions par an d’augmentation de traitemens ou de retraites qu’ils demandent, les réductions de la journée de travail, les transports gratuits et les congés plus fréquens ; qu’on fit de même pour les postiers, les employés de tramways et de