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peuvent encore, avec l’énergie et la persévérance dont ils font preuve, tenir quelques jours, le résultat de notre referendum, fait plus vite que nous le pensions, sera alors connu. Dès lors, notre mouvement se combinerait avec le leur. Et la C. G. T., voyant cette formidable poussée, pourrait organiser la grève générale de tout le prolétariat.


On considéra alors ce langage du secrétaire général du Syndicat national des chemins de fer comme un simple bluff ; et quoiqu’un ordre du jour dans le sens de la grève des voies ferrées ait été adopté dans ce meeting du 17 mai 1909 par les représentans réunis des postiers et des cheminots, il semble bien que ceux-ci ne projetaient pas sérieusement la grève en ce moment. Ils n’étaient pas prêts ; les postiers, d’ailleurs, étaient déjà en pleine déroute : la grève des chemins de fer n’ayant pas éclaté, ils se prétendirent trahis. Le secrétaire général du Syndicat des cheminots, M. Guérard, dut donner sa démission de ce poste. Il reste établi, néanmoins, qu’au mois de mai 1909, il avait été publiquement question d’une grève simultanée des postes et des chemins de fer.

Parmi les grandes grèves de ces dernières années, « grèves spontanées, » c’est-à-dire immédiates et sans même parfois d’exposé de griefs, où le gouvernement a montré la plus lamentable et la plus persistante faiblesse, on doit citer les grèves répétées des inscrits maritimes de Marseille. Plusieurs années au printemps, les communications ont été soudain interrompues entre la France, l’Algérie et la Tunisie, du chef de ces suspensions soudaines de travail. Les inscrits maritimes ne sont pas des ouvriers ordinaires ; ils relèvent de l’administration de la Marine ; ils sont sujet à des règlemens stricts, qui ont des compensations pour eux, notamment l’allocation d’une retraite que sert la Caisse des invalides de la Marine. Rien donc n’était plus facile au gouvernement que de prévenir et de réprimer ces grèves, manifestement illégales ; il ne l’a jamais sérieusement tenté. Bien plus, des comités mixtes ayant été constitués pour concilier les parties en cas de désaccord, les grévistes n’en ont tenu aucun compte ; c’est là un médiocre augure pour les organisations de même nature que l’on paraît avoir l’intention d’établir aujourd’hui dans les services publics.

Toute cette série de défaillances gouvernementales devait répandre de plus en plus l’esprit d’indiscipline et développer les exigences des personnels variés des services publics ou des