maréchal des logis de gendarmerie et ses gendarmes, qui, menacés et pressés par une foule hostile, avaient recouru à leurs armes. Le Conseil militaire, devant lequel le maréchal des logis avait été renvoyé, se prononça en sa faveur, à l’unanimité sur un point et à l’unanimité moins une voix sur un autre. Mais l’ordre de poursuites n’en avait pas moins semé le découragement parmi les défenseurs de l’ordre et l’exaltation parmi les révolutionnaires.
Cela se passait sous le ministère Clemenceau ; mais, depuis 1898 jusqu’aux premiers mois tout au moins de 1910, il en fut toujours ainsi : les actes les plus violens des syndicats, les sauvageries les plus inexcusables des grévistes furent considérés comme des peccadilles sur lesquelles il fallait fermer les yeux. Le gouvernement, d’ailleurs, dans l’ordre des idées, soutenait manifestement des doctrines, dont les conséquences l’embarrassaient parfois, sans qu’il osât les réprimer, dans l’ordre des faits. C’est ainsi qu’il créait des chaires nouvelles, dans les principaux établissemens d’enseignement, pour en investir des socialistes notoires et y faire prêcher le socialisme et le syndicalisme : il fondait une de ces chaires notamment à l’Ecole polytechnique, pour que les futurs officiers fussent imprégnés des idées syndicalistes et socialistes, sans qu’il prît la peine de réfléchir qu’il pourrait être obligé de s’adresser un jour à eux pour réprimer les excès syndicaux. On peut dire, sans exagération, que si l’athéisme est la doctrine morale que le gouvernement laisse, sinon fait prêcher dans un trop grand nombre d’écoles, le socialisme et le syndicalisme intégral sont la doctrine sociale qu’il n’a cessé de soutenir et d’encourager depuis une douzaine d’années. A peine apparaît-il que cet aveuglement gouvernemental ou plutôt peut-être ce parti pris de chercher à se concilier, en les ménageant et les flattant, tous les élémens subversifs, commence aujourd’hui à s’atténuer.
Les yeux du gouvernement, si son parti pris de constantes concessions aux élémens révolutionnaires ne fût devenu chez lui une habitude invincible, eussent dû s’ouvrir, à partir de 1908, sur les résultats de la propagande anti-sociale dans le personnel des administrations nationales et des services publics.